VERDEAUX, Cyrille & MENETREY, Pascal – Tribal hybrid concept
Cyrille Verdeaux est connu par les amateurs de rock progressif pour avoir animé dans les années 1970 le groupe Clearlight, qui donnait généreusement dans un style symphonique de grande envergure. Les albums “Clearlight symphony” (1975), “Forever blowing bubbles” (1975), “Les contes du singe fou” (1976) ou “Visions” (1978) sont des modèles de pensée pour qui apprécie les grandes envolées complexes et raffinées du prog symphonique.
Récemment, le label Gonzo Multimedia a rappelé Cyrille Verdeaux au bon souvenir du monde moderne en publiant le dernier album d’un Clearlight ressuscité, « Impressionist symphony« . Cet album concept se basait sur la peinture impressionniste, passant en revue la vie des grands peintres, évoqués par voie instrumentale.
On reparle vite de Cyrille Verdeaux avec ce nouveau projet “Tribal hybrid concept”, qui n’a strictement rien à voir avec la peinture impressionniste. Ici, on change en effet de lieu et d’époque pour se retrouver au cœur de la forêt amazonienne, en pleine défense des dernières tribus tentant toujours de se défendre contre le progrès délétère et la déforestation meurtrière.
Qui de mieux a incarné ce combat que le chef Raoni, amazonien à plumes et à plateau qui devint célèbre en étant patronné par l’ex-policeman Sting à la fin des années 1980, lorsqu’il s’agissait de lutter contre la disparition programmée de la forêt amazonienne, mangée par les bulldozers brésiliens. Les moins jeunes se souviennent de ce petit bonhomme tout fripé, la lèvre ceinte d’un plateau traditionnel et aussi plumeux qu’un perroquet de l’Orénoque. Aujourd’hui, le chef Raoni milite toujours pour préserver sa tribu Kayapo et lui permettre de continuer à vivre tranquillement dans la forêt, parmi les boas géants, les crocodiles farceurs et les restes de leurs cousins Jivaros.
Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des grosses pointures people comme Sting qui défendent ces opprimés, mais d’obscurs maîtres du rock progressif, en l’occurrence Cyrille Verdeaux et son album “Tribal Hybrid concept”. Cet album, dont on préfère tout de suite vous avertir qu’il est davantage un disque d’ambiances new age plus apte à la méditation qu’un album de rock progressif, a été confectionné à partir de sons et de chants traditionnels collectés dans diverses parties du monde par des ethnologues et ornithologues diplômés.
Pour les oiseaux, c’est Pascal Menetrey qui a enregistré des bruits et des sifflements entre 1992 et 1999. Menetrey étant décédé depuis 2006, son nom figure sur l’album à titre posthume et son travail est honoré à travers ce disque. Les chants humains qui figurent sur les morceaux proviennent de divers peuplades (Afrique du Sud, Kurdistan, Burundi, Papouasie, Indiens d’Amérique, etc.). Ceci permet à Cyrille Verdeaux de sombrer à nouveau dans un travers sympathique : le mauvais jeu de mot. “Shawnee froid”, “Papou pas pris”, “Aztec tartare”, “Zeph here” ou “Tuva bene” sont autant de titres dignes des Grosses Têtes et je dirais même qu’ils ont un peu tendance à gêner l’impact moral d’un disque supposé appeler les consciences à se mobiliser pour la juste cause de la défense de la nature.
Car, et c’est là où en revient au chef Raoni, ce disque est le premier album de musique où figure le vénérable chef Kayapo. Il récite un texte sur la bien nommée “Raoni’s song”. Comme c’est du kayapo, on ne comprend rien mais il doit sans doute s’agir d’un avertissement aux hommes de cette Terre, qui tuent à petit feu la mère nature, ce qui ne manquera pas de provoquer un jour une formidable vengeance des éléments.
Pour le reste, quand on aura dit que l’instrumentation a certes des tonalités progressives mais qu’elle repose aussi massivement sur des rythmes et des ambiances techno ou ambient, certains visages vont s’allonger. Mais il faut aussi annoncer que les résultats des ventes de cet album généreront des royalties pour le bon Raoni, puisqu’il est l’auteur reconnu de sa chanson “Raoni’s song”. Si vous voulez donner pour défendre la planète, achetez l’album, en vous disant que son écoute reste facultative.
Pays: FR
Gonzo Multimedia
Sortie: 2014/05/26