FROMONT PLACENTI, Tim – Original sadtrack (from the cinnamon screen)
Petit rappel en anglais : cinnamon veut dire cannelle. C’est cette épice qui était utilisée chez les anciens Egyptiens pour embaumer les morts, destinés à devenir des momies défiant le temps. Ce genre de référence n’est pas forcément connue de tout le monde et dénote déjà la culture et la philosophie de Tim Fromont Placenti, un quasi-voisin puisqu’il vient de Lille et un musicien que l’on n’hésitera pas à qualifier d’étonnant et d’attachant.
L’homme qui porte le même prénom que Tim Buckley (un des artistes clé de son parcours musical) opère depuis quelques années dans un groupe progressif appelé Averse (dont je m’étonne qu’aucun groupe belge n’ait pensé à adopter ce nom avant). Tim Fromont Placenti affiche également d’autres influences, comme les Beatles, Klaus Nomi, PJ Harvey, John Frusciante, Bon Iver ou Fleet Foxes. C’est d’ailleurs dans un registre post-folk que se situe son premier album solo « The original sadtrack (from the cinnamon screen) ». Mais on peut aussi y voir du folk sauvage, du rock libre ou de l’opéra indie, pour ceux qui aiment les classifications alambiquées aboutissant à reconnaître que certaines œuvres sont inclassables.
Cet album, Tim Fromont Placenti a pris son temps pour le faire. En voyant les dates auxquelles les chansons ont été pensées (de 2007 à 2011) et en considérant que les phases d’enregistrement se sont déroulées de 2009 à 2012, dans des maisons ou des greniers situés entre la France et l’Irlande, on peut voir ici un véritable processus artisanal. Mais quand on découvre les chansons qui en sont la conséquence, on glisse tout simplement dans l’orfèvrerie fine. Tout ceci a mis un peu de temps pour franchir la frontière et parvenir jusqu’à nous mais le jeu en valait vraiment la chandelle.
L’album de Tim présente onze morceaux déroulés sur près d’une heure, laissant la part belle à de longues pérégrinations savamment orchestrées. C’est ici une véritable forêt musicale qui se présente à nous, avec des recoins cachés où l’on découvre ici une petite nappe de Mellotron, là un ukulélé doucereux, et plus loin des violons capiteux. Ces constructions délicatement travaillées, aux architectures complexes, livrent au fil des écoutes des richesses extraordinaires. Baroque sans être surchargé, ambitieux sans être emphatique, cet album est d’une telle cohérence qu’on a du mal à croire qu’il a été concocté dans l’absence totale d’une unité de temps ou de lieu.
Bien sûr, Tim Fromont Placenti n’est pas seul sur ce coup. Il a été aidé par des compagnons de route croisés au fil des années. Mick Moss (du groupe Antimatter) ou la chanteuse irlandaise Lisa Cuthbert font partie des invités qui soutiennent Tim et son groupe composé de Fran Haverland (basse), Rémi Vanvelcenaher (violoncelle) et Colin Fromont Placenti (batterie). Avec eux, Tim laisse libre cours à son inspiration, entre amours perdues (« Price includes sinking »), tourments philosophiques (« Where it all starts ») ou absurdité nécrologique (« I’ll have death and a cappuccino, please »).
Malgré ces textes au ton peu riant, cet album rend heureux, calme les angoisses, soigne les rhumatismes et laisse entrevoir le monde merveilleux des notes de musique se mariant harmonieusement pour écrire les pages feutrées et lumineuses d’un conte mélodique détaché des contingences matérielles. Une impeccable surprise.
Pays: FR
TFP Music TFP01
Sortie: 2013/11/01