STREAM OF PASSION – A War Of Our Own
18 avril 2014 : sortie officielle de «A War Of Our Own», nouvel album de l’excellent groupe métal néerlandais Stream Of Passion. Ce titre en dit long car c’est un véritable parcours du combattant qui a précédé la sortie de ce CD. Après avoir quitté leur maison disque, Stream of Passion s’est lancé dans l’aventure du crowdfunding international via le site Indiegogo qui permet à toutes sortes de projets de voir le jour. Le succès a été au-delà des espérances puisque le groupe a réuni une somme nettement supérieure aux 25.000 euros de l’objectif initial. Finalement, la rupture avec leur ancienne maison de disque aura donc été salutaire puisqu’elle aura aussi permis au groupe de prendre son sort en mains et de conserver sa liberté artistique. De plus, le recours au crowdfunding a permis d’impliquer davantage les fans dans la création musicale et de resserrer les liens déjà forts entre le groupe et son public.
«A War Of Our Own», quatrième opus du groupe fondé en 2005, s’inscrit dans l’évolution naturelle de la bande à Johan et Marcela, qui continue de refuser toute compromission sur le plan artistique. Musicalement, cet album ambitieux se caractérise par des mélodies sophistiquées magnifiquement produites (avec Joost van den Broek aux manettes). On y retrouve aussi deux autres composantes essentielles qui font la spécificité du groupe : des éléments symphoniques et une influence latino-américaine perceptible surtout au niveau de la rythmique. Comme à son habitude, la très belle et talentueuse Marcela a agrémenté l’écriture des textes d’un soupçon d’espagnol, sa langue maternelle.
L’engagement du groupe ne se borne pas à l’expérimentation musicale. Les textes sont, eux aussi, engagés. J’épinglerai le très intimiste «Secrets» inspiré par le difficile combat de la petite Mara, 3 ans, qui a fini par succomber des suites d’un cancer très agressif. Citons aussi le magnifique «Don’t Let Go», message d’espoir destiné à quelqu’un qui ne croit plus en la vie ou encore «Exile» qui décrit le déchirement d’un demandeur d’asile contraint de fuir son pays… Plusieurs chansons traitent aussi de la guerre de la drogue qui fait rage au Mexique entre les cartels et la police et qui a déjà fait environ 80.000 victimes.
Dès la première écoute lors de la listening session organisée pour la presse dans les studios d’enregistrement Sandlane aux Pays-Bas, je suis frappé par la qualité de ce nouveau CD. Mais dans l’euphorie du moment, je me dis qu’il faut confirmer par une écoute à tête reposée. C’est donc avec une joie certaine que j’ai découvert dans ma pile d’albums à chroniquer le nouvel opus de SoP (comme les appellent leurs fans). Voici un petit aperçu du résultat.
Tout d’abord, signalons que l’effectif du groupe affiche une remarquable stabilité avec Marcela Bovio (chant et violon), Johan van Stratum (basse), Jeffrey Revet (claviers), Stephan Schultz et Eric Hazebroek (guitares), sans oublier l’excellent Martijn Peters (batterie).
«Monster» ouvre le bal. Ce morceau raconte une histoire à la Breaking Bad, de Mexicains qui décident de travailler pour un cartel de la drogue. Ce premier morceau sonne très fort comme ceux du précédent album «Darker Days» qui a permis au groupe d’asseoir sa renommée. On est bien loin des clichés commerciaux. Tout est parfaitement en place : les claviers, plus présents sur tout l’album (ce qui est une nouveauté), les guitares aux riffs syncopés et la voix époustouflante de Marcela. La musique restitue à merveille la gravité et la tension de l’histoire racontée. Arrive ensuite le titre qui a donné son nom à l’album : «A War Of Our Own» sur lequel la basse de Johan épouse si bien la voix de Marcela. Toujours beaucoup de guitares en toile de fond. Et cette voix aux modulations si particulières. Je suis envoûté. La mélodie est de celles qui vous restent accrochées dans l’oreille. Ici encore, le clavier offre un tapis sonore du plus bel effet, en complémentarité avec les guitares. «The Curse» commence par une magnifique attaque à la guitare. Un couplet relativement calme et un refrain très musical que le groupe utilise en concert pour faire chanter le public. Idéal pour le headbanging. L’alternance entre les passages plus doux et plus musclés est parfaitement maîtrisée et utilisée avec intelligence dans ce potentiel titre-phare.
Début voix-piano pour «Autophobia». Alors que les trois premiers morceaux auraient pu figurer sur l’album précédent, on sent ici une évolution poindre à l’horizon. Un ensemble de cordes viennent rejoindre le clavier pendant que Marcela module sa voix comme elle sait si bien le faire, on sent venir un crescendo pour le refrain sur lequel on récupère aussi les guitares. C’est du costaud au niveau de l’accompagnement des guitares et de la dentelle au niveau de la voix. Un petit bijou.
«Burning Star», le morceau suivant, nous prend à contre-pied en commençant par le refrain, avec une attaque musclée sur un rythme rapide. Assez inhabituel. Les couplets sont comme une accalmie au milieu d’une tempête, mais les rythmes déstructurés laissent sentir que l’orage n’est pas loin. Les amateurs de son bien lourd seront à la fête avec ce titre. Expérience concluante. «For You» est comme un rayon de soleil qui perce les nuages. Un piano-voix lent qui fait la place belle à la voix de Marcela, magnifiquement soutenue par un violoncelle et/ou un alto. Morceau d’ambiance à savourer avec un casque sur les oreilles et les yeux fermés. Car c’est sans doute là une des grandes qualités de Stream of Passion : chaque chanson est une invitation au voyage pour celui qui l’écoute.
Retour des riffs de guitare et de la batterie bien percutante avec l’intro de «Exile». La voix démarre sur une mélodie d’influence latino pour reprendre une trajectoire plus métal dans le refrain. Et toujours des riffs surprenants pour ponctuer la narration. Sans oublier une présence discrète mais efficace de Jeffrey au clavier. Bref, un autre bel exemple de juxtaposition réussie de styles contrastés. «Delirio» commence par une mélodie chantée en espagnol sur fond de clavier. Ce morceau plonge ses racines tout droit dans l’univers de Marcela et la culture de son pays d’origine. Comme d’habitude, tout est dosé au plus juste pour titiller l’oreille sans jamais la heurter. «Earthquake» commence par une intro musclée qui peut paraître un peu décousue. Au chant aussi, Marcela explore des chemins inhabituels, mais qui finissent toujours par aboutir à un résultat extrêmement mélodieux. Étonnamment, la complexité du morceau ne nuit pourtant pas à l’écoute.
L’émouvant «Secrets», magnifiquement servi par le piano et une mélodie toute en douceur, est un autre bijou chargé d’émotion. Et ce trop-plein d’émotions trouve sa résolution dans un refrain métal prog d’excellente facture. Avec en prime un joli solo de guitare. «Don’t Let Go» est pour moi le morceau parfait, de la première à la dernière note. Le piano toujours très présent, la batterie à la rythmique et la voix de Marcela qui parvient si bien à traduire les émotions. Bref 6 minutes de bonheur musical absolu. «Out Of The Darkness» commence par une intro à la guitare. Au chant, on continue les explorations qui peuvent dérouter le temps d’un couplet avant de revenir à un refrain plus mélodique. La basse et la batterie encadrent parfaitement cette exploration mélodique. Un morceau plus bruyant qui fera sans doute merveille en live. Pour les heureux propriétaires de la version spéciale, il reste encore un bonus à se mettre sous la dent : «The Distance Between Us».
Le bilan est excellent. SoP continue à évoluer en repoussant toujours plus loin ses limites, sans jamais décevoir. Pour preuve, les vocalises de Marcela dans la deuxième partie du morceau bonus. C’est de la très grande classe. Le top pour les amateurs de métal symphonique, avec un côté prog dans l’exploration des thèmes musicaux. L’album à emporter avec soi sur une île déserte.
Pays: NL
PIAS/ROUGH TRADE
Sortie: 2013/04/18