PETER, PAUL & MARY – Peter, Paul & Mary
Le dernier film des frères Coen, « Inside Llewyn Davis », a été l’occasion de se remémorer l’état de la scène folk américaine de la fin des années 50 et du début des années 60, avec cette histoire clairement inspirée du destin de Dave Van Ronk, songwriter oublié et malchanceux qui, dans la course à la postérité, se fera passer devant par Leonard Cohen, Bob Dylan ou Joni Mitchell.
A l’époque, en effet, le folk était la musique des jeunes en pleine effervescence et en révolte contre leur société. En ces années 1959-62, le rock ‘n’ roll américain est en cale sèche (Elvis Presley est au service militaire et la mode du twist sert d’ersatz hideux à un genre déjà endeuillé par la perte de Buddy Holly et Eddie Cochran) et les Beatles n’ont pas encore pris le relais. C’est donc le folk qui sert de moyen d’expression à l’époque pour une jeunesse issue des classes moyennes supérieures, qui lit Kerouac et écoute Joan Baez, Pete Seeger, Woodie Guthrie ou le tout jeune Bob Dylan.
L’industrie du disque, toujours en train de flairer la bonne affaire, se dit que cette mode du folk est propice pour lancer quelques groupes fabriqués de toutes pièces, bons à faire quelques hits qui vont rapporter quelques espèces sonnantes et trébuchantes le temps qu’il faudra, en attendant la mode suivante. C’est dans ce contexte qu’apparaissent Peter, Paul & Mary, un trio sélectionné par le manager Albert Grossmann. Peter Yarrow, Paul Stookey et Mary Travers ne se connaissent pas mais vont devenir une équipe qui va connaître un incroyable succès durant les années 60, dans une frange plus acceptable et bien-pensante que les ombrageux Bob Dylan ou Phil Ochs. Ce trio qui devait au départ engranger quelques succès le temps d’une saison va finalement perdurer jusqu’en 2009, année du décès de Mary Travers.
Nous reparlons ici de Peter, Paul & Mary à l’occasion de la réédition de leur tout premier album de 1962, en version haute-fidélité via la technologie SACD. Lorsque cet album sort en mai 1962, Peter, Paul & Mary sont tout nouveaux, tout beaux sur le marché. Et le coup fonctionne à merveille puisque l’album va être numéro un dans les charts américains, une performance rarissime pour un album de folk music. Il y eut bien sûr de nombreux singles folk qui se frayèrent un chemin jusqu’au sommet des classements, mais pour les albums long format, c’est une autre paire de manches.
Il faut dire que les titres qui figurent sur cet album avaient toutes les chances de se faire une place au soleil. Depuis un demi-siècle, ils sont d’ailleurs devenus des classiques incontournables de la musique populaire américaine. Albert Grossmann, producteur de cet album et mentor du groupe, a sélectionné quelques classiques du paysage musical américain bien ancrés dans l’inconscient collectif. Mais le trio parvient aussi à écrire quelques titres de son cru qui vont devenir eux-mêmes des classiques.
Dans la première catégorie, le groupe reprend « 500 miles » de Hedy West (une chanson qui sera popularisée en France par Richard Anthony sous le nom « J’entends siffler le train »), « Bamboo » de Dave Van Ronk, « If I had my way » du Reverend Gary Davis (une chanson ancienne des années 20 qui lui est attribuée et qui sera reprise plus tard par Grateful Dead), « Lemon tree » (une chanson de Will Holt des années 50, elle-même inspirée d’un titre du folklore brésilien des années 30) et deux morceaux incontournables de Pete Seeger : « If I had a hammer » (popularisé en France par Claude François) et « Where have all the flowers gone? ». Du point de vue des compositions « originales », Peter Yarrow et Noel Stookey signent des chansons dont on entend quand même de larges portions piquées sur des classiques du blues ou du folk. « Sorrow » est calquée sur la chanson « Man of constant sorrow », classique des années 30 que l’on peut aussi entendre dans une scène hilarante du film « O brother » des frères Coen. « This train » a de forts relents blues empruntés au « My babe » de Willie Dixon et « Early in the morning » sonne comme un de ces bons vieux gospels émanant des églises du Tennessee.
Il y a bien longtemps que cet album a accompli son destin et est entré dans l’histoire. C’est un classique du folk que cette réédition permet de découvrir ou redécouvrir dans un son amélioré. Le premier album de Peter, Paul & Mary est un peu comme les grands romans de Balzac ou Flaubert, il ne doit pas être ignoré, ne serait-ce que pour des raisons de culture générale.
Pays: US
Audio Fidelity AFZ 161
Sortie: 2014 (réédition, original 1962)