SUMMERS, Andy – Synaesthesia
Quand on explore dans le détail la carrière musicale d’Andy Summers, on conclue bien vite que le groupe qui l’a rendu célèbre, Police, n’est qu’une misérable partie visible d’un iceberg carrément impressionnant.
Né le dernier jour de 1942, Andy Summers entre tôt dans la carrière musicale. Il a 19 ans lorsqu’il joue dans le Zoot Money’s Big Roll Band, combo r ‘n’ b et jazzy de la scène britannique des Sixties. Vers 1966, sous l’influence grandissante du psychédélisme, le Zoot Money’s Big Roll Band devient Dantalian’s Chariot, petit groupe de série B de la scène psych anglaise, dont le single « Madman running through the fields » en 1967 a laissé une petite trace chez les amateurs du genre.
Après la séparation de Dantalian’s Chariot en 1968, Andy Summers débute une transhumance chez plusieurs groupes successifs, et pas des moindres. On le retrouve en tournée avec Soft Machine et sur un album des Animals à la fin des années 60. Après un break de quelques années passées à étudier aux Etats-Unis, Andy Summers revient en Grande-Bretagne et reprend ses activités musicales aux côtés d’artistes comme Kevin Coyne, Kevin Ayers, Jon Lord et même Mike Oldfield pour qui il participe à la version orchestrale de l’album « Tubular bells » en 1975.
Puis vient l’épisode Police (1977-84), bien connu du grand public et dans lequel on s’aperçoit que Summers, de dix ans l’aîné de Stewart Copeland et Sting, est là en pure pièce rapportée, intervenant peu dans la composition des morceaux, laissée sous la haute main de Sting.
C’est qu’Andy Summers a d’autres aspirations, comme va le montrer la suite de sa carrière, essentiellement axée sur le rock expérimental et le jazz. En tant qu’artiste solo, Andy Summers va effectivement se fendre d’une bonne douzaine de disques entre 1987 et maintenant. Outre deux albums en 1982 et 1984 avec l’ex-King Crimson Robert Fripp (« I advance masked » et « Bewitched »), Andy Summers enchaîne annuellement les albums entre 1987 et 1991. Son sixième album « Synaesthesia » sort en 1995, quelques années après la fin de son contrat avec le label Private Music (fondé par Peter Bauman, de Tangerine Dream). L’enregistrement de ce nouvel album se passe très bien mais quelques semaines après sa sortie, le label CMP met la clé sous la porte, empêchant toute promotion digne de ce nom et condamnant « Synaesthesia » à sombrer dans l’oubli.
L’entrée de cet album dans les oubliettes est une injustice flagrante car « Synaesthesia » regorge de qualités et de grands moments musicaux. Andy Summers a tout composé et a laissé aller son imagination et ses goûts vers des paysages musicaux variés, entre jazz-fusion, musique du monde et rock progressif. Il n’est ici question que d’instrumental, ce qui permet de se plonger dans les subtilités de morceaux comme « Cubano rebop », « Umbrellas over Java », « Low flying doves », « Invisible cities » ou le très beau « I remember ». Et du côté des accompagnateurs, on remarque bien évidemment la présence du légendaire Ginger Baker, batteur de Cream dont le génie rythmique n’est plus à démontrer. Jerry Watts (basse) et Mitchel Forman (claviers) complètent cet équipage.
Aussi à l’aise dans les ambiances complexes que dans des choses plus aérées ou plus simples (le prog lourd de « Meshes of the afternoon », le rock ‘n’ roll de « Monk hangs ten », avec ses lignes de guitare piquées sur le générique du feuilleton « Batman » des années 60), Andy Summers révèle ici de formidables qualités de compositeur, dont la versatilité et le large spectre artistique nous font encore une fois nous poser la question des raisons de sa présence dans Police. A l’époque, ce fan de jazz et de musique brésilienne n’a pas pu s’exprimer artistiquement et était même obligé de se teindre en blond. Atterrant…
La réédition de son album « Synaesthesia » par Esoteric Recordings est donc une très belle occasion de découvrir un disque de grande tenue, trop vite passé sous silence à l’époque de sa sortie.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2430
Sortie: 2014/01/27 (réédition, original 1995)