CD/DVDChroniques

RUNDGREN, Todd – Todd Rundgren’s Johnson live

Notre évaluation
L'évaluation des lecteurs
[Total: 0 Moyenne: 0]

Todd Rundgren est un chercheur infatigable. Depuis 1968, l’enfant prodige de Philadelphie n’a eu de cesse d’explorer les arcanes les plus surprenants de la musique rock. Psychédélisme et power pop chez Nazz, son premier groupe, rock glam plus ou moins lourd sur ses premiers albums solos, avec toujours le souci de l’expérimentation, ou encore divagations inclassables dans la musique électronique et les premières expériences de musique partagées sur le Net : Todd Rundgren a toujours été à la pointe ou en tous cas en dehors des sentiers battus.

Chez Music In Belgium, nous avons déjà eu le plaisir de parler de Todd Rundgren à l’occasion de ses albums « No world order« , « The individualist« , « With a twist« , « One long year«  ou « State« . Ces disques nous avaient montré les facettes multiples du personnage, furetant dans toutes sortes de domaines musicaux. Et là où on aurait pu parier que Todd Rundgren n’aurait jamais mis les pieds, c’est dans le blues. Eh bien, le pari est perdu puisque le bon Todd s’est évidemment intéressé à la question du blues, à l’occasion du montage de son projet Todd Rundgren’s Johnson en 2010. Avec ses vieux compagnons Kasim Sulton (basse), Prairie Prince (batterie) et Jess Gress (guitare), Todd Rundgren s’est attaqué à l’Everest du blues, au mythe ultime du douze-mesures : le séminal Robert Johnson.

Robert Johnson est au blues ce qu’Homère est à la littérature, ce que la grotte de Lascaux est à la peinture. Il est le catalyseur du blues, celui qui transforma de rurales chansonnettes d’esclaves en genre moderne, celui qui transposa d’obscures habitudes tribales en fondations d’une musique illustrant le visage de la société américaine au 20ème siècle, préfigurant le rock ‘n’ roll puis le rock tout court et par extension la culture américaine dans sa quasi-entièreté. Robert Johnson (1911-1938) est la quintessence du bluesman maudit. Il n’enregistre qu’une petite quarantaine de chanson au cours de sa brève existence et il symbolise le pacte sulfureux que les marginaux de la musique ont pu signer avec les forces démoniaques pour menacer la société bien-pensante avec un succès dangereux et une fascination de la jeunesse à leur égard. L’homme meurt à 27 ans, l’âge fatidique après lequel un rocker qui n’est pas mort a raté le coche de la légende.

C’est à cette montagne sacrée que Todd Rundgren rend hommage avec un album studio en 2010, reprenant une douzaine de titres du natif d’Hazelhurst. L’album, tout simplement appelé « Todd Rundgren’s Johnson » a donné lieu à une tournée qui a été immortalisée sur un album live assorti d’un DVD. « Todd Rundgren’s Johnson live » livre donc les résultats d’un concert donné à la Playhouse de Ridgefield (Connecticut) le 11 avril 2010. Sur la planche, l’auditeur découvre des versions puissantes et classieuses de « Dust my broom », « Stop breaking down », « Kindhearted woman blues », « Last fair deal gone down », « Love in vain », « Sweet home Chicago », « Come on in my kitchen », « Hellhound on my trail », « Travelling riverside blues » et « Crossroads blues ». Todd Rundgren, voix râpeuse et forte, assène des accords bluesy carnassiers sur sa guitare, devant un tissu rythmique tendu de main de maître par son bassiste et son batteur. Le style des musiciens se détache bien sûr de la simplicité, voire de la rusticité des versions originales jouées par Robert Johnson dans les années 30. On a ici de l’envolée lyrique, de la rondeur instrumentale et un son réglé au petit poil. Dans ce lot, « Come on in my kitchen », « Travelling riverside blues » et « Crossroads blues » sont tout simplement excellents.

Mais Todd Rundgren et son équipe ne se contentent pas de jouer seulement des titres de Robert Johnson, ils interprètent aussi quelques morceaux extraits de la riche discographie du grand Todd et dont certains remontent à l’époque de Nazz (« Kiddie boy », par exemple). On a ainsi l’occasion de se rafraîchir la mémoire à l’écoute de « Bleeding » (extrait de « Runt », 1970) ou de « I went to the mirror » et « I saw the light » qui viennent de « Something/Anything? », un des meilleurs albums de Todd Rundgren en 1972. Les interprétations de ces morceaux qui sont faites ici sont davantage orientées vers le blues, ce qui redonne une nouvelle vie à ces titres anciens qui sont en fait indémodables.

Le CD est complété par un DVD où l’on entend les mêmes morceaux joué sur scène, avec quatre morceaux supplémentaires venant aussi de la discographie de Todd Rundgren. De l’excellent « Open my eyes » de l’époque Nazz à « Weakness » sur l’album « Arena » sorti quarante ans plus tard, ces morceaux auraient pu aussi être intégrés dans la version audio du concert mais cela aurait peut-être enlevé de l’intérêt à la version vidéo qui est la reproduction à l’identique des morceaux du CD, l’image en plus.

Cet hommage à Robert Johnson est bien entendu recommandé aux fans de Todd Rundgren, aux amateurs de blues et à tous ce qui aiment la bonne musique, ce qui commence à faire pas mal de monde.

Pays: US
Esoteric Antenna EANTCD 21025
Sortie: 2013/11/04

Laisser un commentaire

Music In Belgium