DISAGONY – Venom dish
Je vais vous faire une confidence : j’aime le rock suisse. Pourquoi pas? Il y en a bien qui aiment les films d’Eric Rohmer, la morue aux fraises ou relire Teilhard de Chardin, alors pourquoi pas le rock suisse? D’autant plus que la scène rock du pays des montagnes a démontré depuis longtemps sa qualité plus que séduisante. Les petits groupes hargneux qui fleurissent entre Lausanne et Lugano sont légions et brillent dans tous les styles, que ce soit le hardcore (Yog, Bagheera), l’expérimental déviant (dQtç, Lilium Sova), le postcore (Kehlvin), le stoner (Monkey3, Songs Of Neptune), le métal (Pure Inc.) ou le néo psychédélique (Lüger).
Voici un nouveau groupe helvétique qui va rejoindre la liste des excellents groupes précités et qui va fédérer un peu tous les genres avec son rock rugueux, noisy, puissant, stoner, grunge et postcore en même temps : Disagony. Retenez le nom car c’est du costaud.
Ce trio vient de Genève où il se forme en 2009 autour de Lynn Marig (guitare et chant), Alexandre Davoine (batterie) et Raphaël Despas (basse). Un premier EP « Disagony » voit le jour en 2011 et pose déjà les bases : grosses guitares sur-gonflées, voix féline et mordante de Lynn Marig (enfin, quand je dis féline, ce n’est pas le petit matou à sa mémère, c’est plutôt le bon gros tigre qui vous déchire le bas-ventre d’un coup de patte) et rythmique prête à ré-envahir la Russie à la première provocation. Les influences Queens Of The Stone Age première époque et Smashing Pumpkins sont intelligemment digérées et habilement restituées.
Avec le premier album long format « Venom dish », on reste dans la même veine mais avec une diversification certaine des rythmes et des constructions mélodiques. Disagony commet l’exploit de rester passionnant jusqu’au bout des douze morceaux de l’album, sans redite ni répétitions. Le trio envoie une escouade de rouleaux compresseurs en guise d’introduction (« Cut », « Wild generation Y », « Unburied from sand »). Une fois que les présentations sont faites et que plus personne ne met en doute son pouvoir corrosif, Disagony se permet un petit ralentissement du rythme, sur une ballade à la Nirvana qui garde néanmoins la main sur le flingue (« Spirit mechanism »). Puis c’est reparti pour un tour de manège infernal avec le thermonucléaire « Stop rewind » (basse ronflante, chant aboyé, attaques foudroyante de la guitare) et l’inquiétant « Gender identity disorder » qui vient semer la panique dans l’oreille interne. Pas de doute, le fantôme de Kurt Cobain a dû donner quelques conseils subliminaux dans le studio. Et il a aussi sans doute inspiré le producteur Yvan Bing qui a fait rougeoyer la table de mixage sous la chaleur.
La seconde partie de l’album ne cède pas un pouce de terrain. Un autre mid-tempo rugueux (« Insobriety ») calme momentanément le tir d’artillerie, qui reprend de plus belle avec l’excité « Meatball ». La fin de l’album multiplie les ambiances avec un « Grace » capricieux oscillant entre ballade et binaire menaçant, un « Tender revolver » braillard et désespéré, un « No gold but your eyes » toujours taraudé par un mur de guitares et le long final « Forever fool » qui termine l’album sur une touche plus recueillie et un rien psychédélique.
L’impeccable cohérence du disque, le chant véritablement habité et la puissance dévastatrice des instruments et du son font de ce « Venom dish » une véritable bouffée d’air frais, un retour du rock authentique, adolescent et fier. L’album est déjà sorti en Suisse le 15 novembre dernier et sera disponible dans le reste de l’Europe en février 2014. Précipitez-vous!
Pays: CH
Snowhite/Rough Trade/Irascible/Suisa
Sortie: 2014/02/21
