VANGELIS – Beaubourg
Quatrième des six albums de Vangelis réédités par Esoteric Recordings, « Beaubourg » sort en 1978 et va en déstabiliser plus d’un. Il est désormais bien connu de Vangelis Papathanassiou n’est pas très regardant envers les chiffres de ventes de ses albums. Il est compositeur avant tout et donc, logiquement, il compose. Et cela quel que soit l’accueil que peut lui réserver le public. Ce public est peut-être sensible à certaines musiques de films que le musicien grec a couchées sur la partition, mais va-t-il tenir le coup devant « Beaubourg », exercice résolument avant-gardiste tenant en deux morceaux d’une vingtaine de minutes chacun?
En effet, cet album de 1978 porte ce nom en référence au fameux centre Beaubourg de Paris, encore appelé Centre Pompidou (du nom du président français qui en lança la construction au début des années 70) et qui est essentiellement dédié à des expositions tournant autour de l’art moderne, pour ne pas dire ultra-moderne. C’est donc dans cet esprit postmoderniste que Vangelis élabore deux longs morceaux entièrement basés sur des circonvolutions bruitistes au synthétiseur.
Par rapport à ses œuvres précédentes, Vangelis provoque avec « Beaubourg » une véritable cassure. Plus question ici d’aller chatouiller le cosmos à coups de Yamaha CS-80 ou de tricoter des nappes de sons vaporeux. On bascule ici résolument dans une certaine agressivité des sonorités qui rebondissent chaotiquement sans aucun souci mélodique. Vangelis se livre avant tout à l’improvisation et laisse libre cours à son imagination sur ces deux longues suites sans cesse soumises à des changements capricieux de rythmes ou d’ambiances. En ce sens, les choses se rapprochent davantage des œuvres de pionniers de l’électronique comme Edgar Varese ou LaMonte Young.
Et à ce moment-là, tout ne devient qu’une question de goût. Les amateurs de progressif électronique bien mélodieux et bien ficelé tournent rapidement les talons et fuient par les fenêtres et les soupiraux, tandis que les aventuriers de l’inaudible, les explorateurs de la musique des sphères se laissent tenter par l’expérience et voient en Vangelis un musicien bien plus visionnaire et audacieux que le gentil Jean-Michel Jarre, à l’époque le seul musicien comparable à Vangelis dans ce genre de musique.
Pour fêter la sortie de cet album pour le moins abscons mais néanmoins fascinant, Vangelis daigne faire une de ses rares apparitions scéniques à l’occasion d’un concert au Pavillon de Paris le 19 juin 1978. On imagine encore la bouille décontenancée des auditeurs.
Pays: GR
Esoteric Recordings ECLEC 2424
Sortie: 2013/11/25 (réédition, original 1978)
