LORD SUTCH and HEAVY FRIENDS – Lord Sutch and Heavy Friends
Chaque époque amène son lot d’excentriques. Né à Londres en 1940, David Sutch, alias Screaming Lord Sutch, fait partie de ceux-là. Dans la société britannique des années soixante, celle qui se décoince, change de monde, s’ouvre à la nouveauté, découvre l’expérimentation et sombre parfois dans l’outrance, il trouve le terrain de jeu idéal. Avide de médias et de publicité, notre homme se disperse avec un certain talent. Sur scène accompagné de son groupe, il aime sortir d’un cercueil, capé et coiffé d’un couvre-chef loufoque ; dans l’arène politique, il se présente aux élections à la tête d’un parti farfelu qu’il a fondé ; sur mer, il crée sa radio pirate ; outre Atlantique, il circule dans une Rolls Royce peinte aux couleurs britanniques et vend des amplificateurs Marshall, …
Entre 1960 et 1970, ce loustic se produit avec son groupe The Savages qui accueille plus ou moins brièvement quelques célébrités futures : Ritchie Blackmore et Nick Simper (Deep Purple), Noel Redding et Mitch Mitchell (Jimi Hendrix Experience), Jeff Beck (Yardbirds), Nicky Hopkins (Jeff Beck, Quiksilver Messenger Service, Rolling Stones), Matthew Fisher (Procol Harum), Adrian Gurvitz (Gun, Baker Gurvitz Army), Jimmy Page (Yardbirds, Led Zeppelin), … Malgré ces talents, le bonhomme ne recueille qu’un succès mitigé tant sur scène qu’en quarante-cinq tours.
Lors de son périple aux États-Unis en 1968-1969, il trouve enfin l’opportunité d’enregistrer un premier album après s’être adroitement assuré le soutien de compatriotes au renom déjà établi, parfois anciens collaborateurs, et en tournée sur le continent. L’enregistrement a lieu en 1969 à Los Angeles.
À sa sortie en 1970, l’album soulève immédiatement la polémique, plusieurs stars présentes n’ayant pas apprécié d’être ainsi mises en avant sans réel accord de leur part et pour une participation jugée moins importante qu’affichée. C’est ainsi qu’au final, le rôle effectif de chacun en devient difficile à estimer.
Vilipendé de toutes parts à l’époque et plus tard lorsqu’il sera réédité, cet album n’en recueille pas moins un certain succès, aux États-Unis particulièrement.
Toutes controverses exclues, il faut reconnaître que la critique fut excessive. Effectivement, le potentiel vocal de l’ami Sutch est relativement réduit. Il fait d’ailleurs peu d’efforts pour le cacher. Il n’empêche, sa fougue compense souvent les faiblesses. À côté de cela, il a participé à la composition de la plupart des titres. Aucun n’est médiocre et certains sont vraiment de bonne facture.
En fait, la force de l’ensemble réside principalement dans la mise en place et la qualité des instrumentistes. Si le rôle des vedettes a été exagéré, celui des autres participants doit incontestablement être revalorisé. Le Californien Kent Henrey (futur Steppenwolf) et Deniel Edwards particulièrement abattent un travail remarquable. Sans être cité, il semble avéré que ce dernier tient la lead guitare sur cinq titres, Jimmy Page avouant lui-même qu’il n’a effectué aucun solo dans cette affaire. Ceci dit, ses rythmiques et ses riffs sont à la fois reconnaissables et remarquables. Pour le reste, les duos basse/batterie sont tous impressionnants.
Tout au long de ces douze plages, le style et l’esprit de la West Coast ressortent toujours, même dans les parties les plus typiquement anglaises. C’est ainsi que l’influence de Quicksilver Messenger Service, Iron Butterfly, Steppenwolf, … apparaît aussi notoire que celle des Kinks, Yardbirds, Led Zeppelin et autres Rock & Roll et Blues Bands anglais des deux premiers tiers des années soixante. Les excellents « Wailing Sounds », « ‘Cause I Love You », « Flashing Lights » (le sommet), « Thumping Beat », « L-O-N-D-O-N » représentent la meilleure preuve de cette fusion.
En conclusion, malgré les aspects désagréables qui l’entourent et se devraient d’être éclaircis, cet album mérite une réhabilitation.
Les titres (35’32) :
- Wailing Sounds (Sutch/Page)(2’39)
- ‘Cause I Love You (Sutch/Page)(2’46)
- Flashing Lights (Sutch/Page)(3’13)
- Gutty Guitar (Sutch)(2’34)
- Would You Believe (Cee)(3’21)
- Smoke and Fire (Sutch)(2’39)
- Thumping Beat (Sutch/Page)(3’07)
- Union Jack Car (Sutch/Page)(3’03)
- One for You, Baby (Sutch)(2’45)
- L-O-N-D-O-N (Sutch)(2’56)
- Brightest Light (Cee)(3’57)
- Baby Come Back (Sutch/Page)(2’32)
Les interprètes (annoncés) :
- David Sutch : Chant
- Jimmy Page : Guitare (1, 2, 3, 5, 7, 8, 11, 12)
- Jeff Beck : Guitare (4, 5, 11)
- Kent Henrey : Guitare (5, 6, 9, 10, 11)
- Deniel Edwards : Basse (1, 2, 3, 8, 12) & Guitare (5, 6, 11)
- Nicky Hopkins : Piano (4, 5, 11)
- Martin Kohl : Basse (6, 9, 10, 11)
- Rick Brown : Basse (4, 5, 11)
- Noël Redding : Basse (7, 9, 10)
- John Bonham : Batterie (1, 2, 3, 7, 8, 11, 12)
- Bob Metke : Batterie (6, 9, 10)
- Carlo Little : Batterie (4, 5)
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2405
Sortie: 2013/07/29 (réédition, original 1970)
