NINE INCH NAILS – Hesitation marks
Il y a cinq ans, Trent Reznor annonçait officiellement la fin de son projet Nine Inch Nails après vingt ans de bons et loyaux services au nom de la cause du rock industriel. Les amateurs du tourmenté de Pennsylvanie et de son groupe ayant porté très haut les concepts de l’indus le plus radical et le plus trouble avaient pu se lamenter légitimement de cette disparition mais leur chagrin n’aura duré que cinq ans car revoici Trent Reznor et Nine Inch Nails avec un tout nouvel album, « Hesitation marks ».
Il n’aura fallu effectivement que cinq ans pour que Trent Reznor se décide à revenir aux affaires avec Nine Inch Nails. Et après tout, quand on considère la carrière discographique du groupe, on s’aperçoit que la durée de cinq ans est assez courante entre deux albums. Il y eut en effet cinq ans entre « Pretty hate machine » (1989) et « The downward spiral » (1994), lui-même séparé de cinq ans de « The fragile » (1999), dont le successeur « With teeth« n’interviendra qu’après six ans en 2005. Au total, on se retrouve avec huit albums studios officiels en 25 ans, ce qui range le hiatus de 2008-2013 dans le temps normal entre deux albums de NIN.
Trent Reznor nous a donc bien eus avec ses annonces de fin de son groupe qui n’en est pas et c’est tant mieux car le multi-instrumentiste et grand maître de Nine Inch Nails revient avec un album tout à fait convaincant. Le temps a fait son office car entre 2008 et 2013, Trent Reznor a eu le temps d’évoluer et de mûrir. D’abord sur le plan personnel avec un arrêt complet des drogues et addictions diverses, puis un mariage avec Mariqueen Maandig qui lui a depuis donné deux enfants. Ensuite sur le plan professionnel puisque Trent Reznor n’a pas chômé et a participé aux musiques de films de David Fincher, composées avec son acolyte anglais Atticus Ross (« The girl with the dragon tattoo« , « The social network »). Il a également monté ce projet How To Destroy Angels avec le même Atticus Ross et Mariqueen Maandig, aboutissant à un album étrange et décalé.
Aujourd’hui, c’est un Trent Reznor sobre, père de famille et mari exemplaire qui se présente devant son auditoire avec « Hesitation marks », livraison qui implique un certain nombre de musiciens loin d’être négligeables. Parmi les invités, en effet, on trouve de vieux sorciers du genre Lindsey Buckingham (Fleetwood Mac), Adrian Belew (King Crimson), Pino Palladino (The Who), auxquels s’ajoute une jeune garde électro (Eugene Goreshter d’Autolux, Joshua Eustis de Telefon Tel-Aviv). Quelques fidèles de Nine Inch Nails sont de retour, comme Alessandro Cortini (synthétiseurs) et Ilan Rubin (batterie). Notons aussi la présence de l’inévitable Atticus Ross à la production. Et bien sûr Trent Reznor qui régente le tout avec brio tant sur le point des compositions que de l’instrumentation.
« Hesitation marks » tranche résolument par rapport aux derniers albums de NIN. L’indus et l’électro règnent toujours en maîtres mais les propos de Trent Reznor sont ici moins électrifiés, moins troubles, mois saturés et moins rageurs. C’est un homme rasséréné et en pleine possession de ses moyens musicaux et artistiques qui lâche en pâture un album semblant se jouer des démons qui assaillirent autrefois Trent Reznor. Les débuts très dansants et minimalistes de « Copy of a » peuvent surprendre de prime abord mais on rentre rapidement dans le cœur de l’album avec « Came back haunted » et « Find my way ». De belles nappes de piano viennent envelopper les textes de Trent Reznor et les clapotis électroniques tranquillisent l’esprit. La plupart des morceaux titrent cinq minutes de durée et on compte peu de titres véritablement énergiques. Mis à part « Everything » et son martèlement power pop, les titres d’« Hesitation marks » se développent sur des mid-tempos tantôt lascifs (« All time low »), tantôt funky (« Satellite ») ou planants (« Various methods of escape »). « In two » renoue quant à lui avec des sonorités plus lourdes et plus agressives, dans la lignée du Nine Inch Nails classique des temps anciens.
Les enchaînements entre les morceaux sont particulièrement réussis et on se ballade sans ennui le long de ces quatorze titres (douze en fait, si on considère les très courts « The eater of dreams » et « Black noise » placés en introduction et en conclusion de l’album). Trent Reznor et son équipe parviennent ainsi à créer une œuvre équilibrée qui allie en même temps une certaine homogénéité et une variété de climats. C’est peut-être l’album de Nine Inch Nails le plus intéressant depuis les classiques « The downward spiral » et « The fragile », mais dans un genre qui lui est propre.
Pays: US
Columbia Records
Sortie: 2013/09/03

