MUZIEK DE SINGE – Fermé le lundi
MuZiek De Singe naît de la rencontre de Gilles Kremer et Maxime Tirtiaux, deux Nivellois partis étudier l’agronomie à l’université de Louvain-La-Neuve en 2001. Les fruits et légumes ne tardent pas à laisser la place à leur passion commune de la musique, qu’ils pratiquent dès leur plus jeune âge. Le duo commet un premier EP autoproduit en 2002 et s’élargit à un trio avec l’arrivée de Gaspard Giersé (saxophone), qui reste le temps d’un premier album également fait maison en 2004. À partir de 2005, l’entrée en lice de Martin Kersten (saxophone), Marc Derbaix (contrebasse) et Martin Chemin (percussions) termine de donner à Muziek De Singe sa dimension actuelle, forte de la contribution de musiciens qui ont tous un CV musical long comme le bras d’un écartelé.
En 2010 vient le temps du premier album digne de ce nom, « Les nuages ne font pas de lait », fort bien reçu par la presse musicale belge et les magasins FNAC qui en font leur coup de cœur du moment. MuZiek De Singe y fait montre d’un art assuré du swing manouche, rendant hommage à Django Reinhardt et tous les grands maîtres du style. Le pied à l’étrier, le quintette fourbit alors ses armes sur de nombreuses scènes, de salles en festivals et de centres culturels en théâtres subventionnés.
C’est avec une expérience solidifiée (à laquelle s’ajoutent les nombreux autres projets parallèles des musiciens du groupe) que MuZiek De Singe aborde sereinement son deuxième album. Le groupe produit lui-même l’objet, assisté de Johan Spitz (enregistrement), Jérémy Michel (mixage) et Fred Alstadt (mastérisation). La pochette réalisée par Lise Martin donne l’eau à la bouche. Des poissons à bicyclette, des éléphants montés sur roues dentées, une invraisemblable galerie de musée d’histoire naturelle regorgeant d’ossements de bestioles déguisées, tout cela annonce du bizarre, du farfelu, du décalé. Les titres des morceaux valent aussi leur pesant de bigorneaux : « Poisson-loup », « Sale inuit », « Cheval de trois et demi portion », « Poisson-chou », « Valse à poyette »… Ça sent le délirant, l’école de pataphysique, le retour de Raymond Queneau aux affaires.
Mais en fait, ces titres ne dévoileront rien d’autre que des instrumentaux, les musiciens de MuZiek De Singe ayant opté pour le mutisme total du point de vue vocal. C’est dommage, car la capacité de ces individus à tresser des constructions musicales complexes et habiles, basées sur un jazz-rock encore un peu manouche mais aussi tourné vers le reggae, la fête balkanique ou les rythmes caribéens, est exceptionnelle. Avec des paroles surréalistes, on aurait décroché le pompon.
Mais la musique compense ce manque avec brio et MuZiek De Singe nous emporte dans un voyage musical passionnant au long de onze titres construits comme d’interminables temples sonores. Rien n’est jamais resservi deux fois et la moindre minute de cet ensemble contient son originalité propre. C’est presque trop, mais abondance de biens ne nuit pas, comme dirait Bill Gates. Entre le démarrage festif de « Poisson-loup », des sinuosités tarabiscotées de « Sale inuit », le jazz enjôleur et oriental de « Trois et demi portion » ou les ambiances pointillistes de « Hammam », ce « Fermé le lundi » déploie de fastueuses interventions musicales, gérées par des experts. La palme revient au morceau « Manaïs », qui fait intervenir un invité siffleur, Geert Chatroux. Son solo de sifflement, tout simplement époustouflant, se pose en contrepoint sur les développements dramatiques de la musique. Incroyable, encore plus beau que les musiques de film de François De Roubaix.
Si vous voulez découvrir cette excellente formation pas comme les autres, notez que MuZiek De Singe se produira cet automne en divers endroits du pays : le 19 octobre au Théâtre Molière à Ixelles (spectacle de lancement de l’album), le 8 novembre à la Spirale de Natoye et le 22 novembre à la Maison des Arts de Schaerbeek.
Pays: BE
Mogno J050
Sortie: 2013/10/19