ARCTIC MONKEYS – AM
Ce n’est un secret pour personne : en à peine cinq ans, les Arctic Monkeys sont devenus un des groupes leaders de la scène rock internationale. Lorsque le premier album « Whatever people say I am, that’s what I’m not« est sorti en 2006, la légende Arctic Monkeys était née, portant Alex Turner (chant et guitare), Jamie Cook (guitare), Matt Helders (batterie) et Nick O’Malley (basse) dans le club très fermé des rock stars de haut niveau.
Les quatre lads de Sheffield ont depuis lors toujours été attendus au tournant et ont relevé les défis les uns après les autres. D’abord en survivant au cap du toujours difficile deuxième album avec un « My favourite worst nightmare« (2007) qui ne le cédait en rien à son prédécesseur, ensuite en frappant fort avec une collaboration avec Josh Homme pour la production de leur troisième album « Humbug » (2009). Le géant rouquin des Queens Of The Stone Age avait apporté un son lourd et lent aux freluquets du Yorkshire, qui se sont depuis tournés vers les États-Unis et son rock musclé.
En vieillissant, Alex Turner, patron incontesté des Singes Arctiques, a rodé son style vocal vers des influences plus lentes et calmes, à la limite du crooner. Cette approche a encore bien fonctionné sur l’excellent « Suck it and see » qui mêlait idéalement le style des débuts et celui né de l’évolution naturelle des musiciens qui, à l’heure actuelle, n’ont toujours pas dépassé la trentaine.
C’est d’ailleurs à l’âge critique de 27 ans qu’Alex Turner a mis en musique le nouvel album des Monkeys, « AM ». À cet âge-là, les rockers meurent ou poursuivent leur carrière en se ramollissant peu à peu après avoir découvert la musique country ou les sonorités indiennes. Pas tous, heureusement. Pour ce qui est des Arctic Monkeys, on sent sur cet album une volonté évidente d’évoluer vers de nouvelles expériences. Mais au lieu d’avoir découvert la country ou la musique indienne, les Arctic Monkeys sont plutôt passés ici par une case disco rock. Désormais installés aux États-Unis, les Monkeys se sont laissés peu à peu gagner par ce qui se fait là-bas, mais pas forcément du côté rock le plus radical.
Produit à nouveau par James Ford (qui avait officié sur le disque précédent), « AM » révèle un groupe en pleine recherche. On retrouve les ambiances lourdes et lentes qui avaient marqué « Humbug » mais il semble que les Arctic Monkeys aient cherché, volontairement ou non, à exploiter un minimum de pistes musicales, se concentrant à l’excès sur un rock dansant rivé sur des mid-tempos alourdis mais toujours relativisés par des passages funky où des chœurs émasculés viennent glisser des références à Earth Wind & Fire ou aux Whispers.
On est en réalité en face de la définition même de l’album controversé. La moitié des auditeurs va hurler au génie tandis que l’autre va trouver « AM » parfaitement ennuyeux et décevant. Je ne vous cache pas que je penche vers la deuxième catégorie, me demandant encore comment apprécier cet album qui, certes, porte la marque Arctic Monkeys mais dont le défaut principal est, à mon humble avis, un manque de variété dans l’écriture (souvent des histoires d’amour déçues, obsession coutumière de Turner), dans le rythme et dans le style. Passés « Do I wanna know » et « R U mine? », morceaux introductifs de l’album, encore acceptables, on pénètre dans une suite standardisée de titres lourds (par manque d’énergie) et parcourus de dance music répétitive. La tristesse ambiante qui occupe fermement l’ensemble du disque finit par énerver, tant on est à l’affût du morceau rentre-dedans qui ne vient jamais.
Les types des Monkeys n’ont pas trente ans, ils viennent d’une cité ouvrière : pourquoi ne hurlent-ils pas une rage contre les inepties de la société contemporaine ? Ils préfèrent plutôt se complaire dans des bluettes amoureuses à la Billy Joel (« No 1 party anthem », un titre mal trouvé) ou des slows suaves et sirupeux (« Mad sounds », encore un titre mal trouvé). Les chœurs osent même tenter les kitschissimes « bab-choo-wap » que même les Temptations n’osent plus recycler (« Fireside »). L’un des autres titres phare de cet album, « Why’d you only call me when you’re high? » produit un disco ralenti qui semble avoir été taillé pour des night-clubs réservés aux obèses. « Knee socks » est un peu plus vivace mais aurait été plus convaincant dans le répertoire de Franz Ferdinand.
Certes, le son est très bien produit et les paroles ne manquent pas de pertinence, mais Arctic Monkeys creuse ici une idée unique, comme une monomanie centrée sur les dance-floors et les boules à facettes. Pour ceux qui considèrent que le rock est d’abord de la colère et de l’électricité, pour ceux aussi qui voient dans le rock un moyen d’atteindre les hautes sphères de l’esprit ou les audaces créatives, « AM » fait l’effet d’un énorme coup d’épée dans l’eau. On peut conclure sur cet album en citant une phrase d’un internaute : très bon album médiocre.
Pays: GB
Domino
Sortie: 2013/09/06