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CORBETT, Marcus – Strung deep

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En 1975, un jeune folkeux britannique de 18 ans se rend aux Indes comme d’autres vont à Lourdes. Et le choc survient, Marcus Corbett tombe en extase devant la musique classique indienne, dont Ravi Shankar est à l’époque le plus sûr porte-parole auprès de l’Occident. À partir de ce moment, Marcus Corbett effectue des voyages annuels en Inde, dans la région de Pune, faisant la navette entre son Oxfordshire natale et cette ville de la province du Maharashtra, située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Bombay.

Il faudra pourtant de nombreuses années avant que Marcus Corbett ne sorte un album officiel, très longtemps même, puisque « Strung Deep » est son premier album. C’est bien la démonstration du souci d’authenticité et de vérité que Marcus Corbett a voulu mettre dans sa musique, qui relie le folk anglais et la musique traditionnelle indienne. C’est vrai qu’il aurait pu capitaliser rapidement sur des montages douteux et peu fins associant musique pop et tablas indiens, à la façon de ce qu’avait pu faire un certain Sam Gopal. Petite parenthèse au sujet de Sam Gopal : cet Indien vivant en Angleterre a sorti en 1969 un album (« Escalator ») cumulant gros rock psychédélique shooté aux herbes et tablas du Rajasthan, ayant engagé pour l’occasion un chanteur du nom de Ian Willis, pseudonyme de Lemmy Kilmister, entré plus tard dans l’Histoire comme fondateur et patron incontesté de Motörhead. Étonnant, non ?

Mais Marcus Corbett est à des années-lumière du psychédélisme soixante-huitard. Il creuse ici le sillon de la pureté musicale en s’associant avec deux des petits maîtres de la musique indienne : Nitin Gaikwad et Sharanappa Guttaragi, qui excellent dans l’art du tabla. La famille de Nitin Gaikwad est connue dans la région de Pune pour sa lignée de musiciens officiant au tabla et au shenhai, la version indienne du hautbois (le tabla étant, je le rappelle, l’équivalent du bongo africain). Sharanappa Guttaragi est quant à lui une sommité dans l’enseignement du tabla au pays de Gandhi.

Avec également Milind Date au bansuri (la flûte indienne) et Sanjay Upadhye au violon, Marcus Corbett tient la guitare et le chant et réalise un album en quatre titres, deux longs et deux courts. Sa voix grave et fine fait penser à un Johnny Cash qui aurait traversé le Gange à la nage. Le style de Marcus Corbett consiste en de lents et tranquilles échanges entre la guitare et le tabla. On retrouve l’esprit calme et rêveur qui avait tant fasciné les groupes rock occidentaux vers la fin des années 60, quand George Harrison avait composé « Tomorrow never knows » au sitar en 1966 et que les Byrds étaient en plein trip himalayen avec « Eight miles high » à la même époque.

« In deed », « Castanets (with tabla) », « So lonely part I » adoptent une structure mélodique similaire mais c’est surtout « So lonely part II », le quatrième titre, qui se taille la part du lion (ou plutôt du tigre, on est aux Indes) avec une longue ascension vers un nirvana rythmique qui s’accélère au fur et à mesure que l’on avance dans le morceau. La transe brahmanique nous prend et nous emmène dans des nuages de paix et de sérénité. Écoutez cette douce et rassérénante musique au volant de votre véhicule au milieu des embouteillages vespéraux et vous verrez, l’absurdité de la vie occidentale moderne vous semblera tout à coup petite, petite, petite…

Pays: GB
Autoproduction
Sortie: 2013

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