CIVIL WARS (The) – The Civil Wars
Le hasard des sorties d’albums fait que deux groupes du nom de Civil War(s) figurent presque côte à côte dans nos colonnes. Mais il ne faut pas confondre Civil War (singulier), chroniqué récemment par notre camarade Michel Serry et The Civil Wars (pluriel) qui fait ici l’objet de notre attention. En effet, si les métallurgistes amateurs de Civil War s’aventurent dans la musique de The Civil Wars, et que les folkeux voudraient tenter Civil War, il risque d’y avoir de la déception dans l’air. À moins d’aimer tout, ce qui peut arriver.
The Civils Wars a déjà fait l’objet d’une chronique, à l’occasion de la ressortie du premier album « Barton hollow« , arrivé en pleine lumière grâce aux deux Grammy Awards gagnés en 2012 par ce duo composé de Joy Williams (chant) et John Paul White (guitare et chant). Les prix du meilleur album folk et de la meilleure performance country sont effectivement venus garnir les cheminées de ces deux musiciens associés en 2008 à Nashville. Williams et White ont rapidement gravi les échelons qui mènent de l’anonymat à la célébrité, avec un premier album live disponible sur le Net (« Live at Eddie’s attic », 2009), puis un EP (« Poison and wine », 2009) et enfin un premier album « Barton hollow » qui a pulvérisé les charts américains avec une 12e place au Billboard 200 et un première place au Billboard digital. S’ensuivent une pelletée d’apparitions dans les grands shows télévisés américains, une tournée en première partie d’Adèle et une promotion comme nouveau groupe du jour par le journal anglais The Guardian.
C’est donc du lourd et The Civil Wars semblent être les rénovateurs du folk et de la country en Amérique. Leur année 2012 très chargée en concerts et émissions de télé a failli être la dernière du duo qui a pris récemment un congé sabbatique pour résoudre quelques conflits internes. Ils semblent que les litiges aient été estompés avec la sortie de « The Civil Wars », deuxième opus qui approfondit le sillon folk et country avec toujours la même grâce et la même force. À l’heure actuelle, cet album est numéro un aux États-Unis, ce qui veut dire qu’il va falloir prendre tout cela très au sérieux.
Williams et White offrent à l’auditeur un florilège magnifique de chansons tantôt rugueuses (« I had a girl », « Oh Henry »), tantôt délicates comme des ailes de papillons (« Same old same old », « Eavesdrop »). L’aridité de la guitare acoustique est parfois rehaussée d’une petite boîte à rythmes (« Dust to dust ») ou d’une batterie et des guitares électriques (« Devil’s backbone »).
Au passage, The Civil Wars commettent deux reprises étonnantes. D’abord, une réinterprétation tout en grâce du « Tell mama » d’Etta James, à l’époque (1968) solide morceau de R ‘n’ B et soul music. Ensuite, une version de « Disarm » des Smashing Pumpkins qui pénètre encore plus profondément dans la sensibilité que ce titre possédait déjà. Dans un cas comme dans l’autre, les deux chansons sont quasiment méconnaissables par rapport aux originaux. Autre élément peu banal, une chanson en français avec « Sacred heart », qui semble avoir été écrite par Joy Williams et John Paul White et qui révèle donc chez ces deux-là une certaine maîtrise de la langue de Pierre Dac.
Plus on pénètre dans l’album, plus on est promené dans la douce et âcre mélancolie de The Civil Wars, qui ne sont pas arrivés où ils sont par hasard. Ce duo est sans doute le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire du folk et de l’americana américains, au moment où tout est désormais connu et où c’est maintenant le talent et la pertinence de l’interprétation des messages de la musique qui font la différence.
Pays: US
Columbia/Sony Music
Sortie: 2013/08/06