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QUATERMASS – Quatermass

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C’est une véritable légende du rock progressif anglais des Seventies qui ressurgit ici avec une réédition Esoteric Recordings qui atteint des sommets en matière de qualité sonore et de restauration. Quatermass a eu une brève existence mais son unique album est toujours aussi impressionnant, et cela 43 ans après sa parution. C’est ce qu’on pourrait considérer comme un super-groupe, Quatermass étant la réunion de trois musiciens déjà bien confirmés dans leurs carrières musicales respectives. Et vu le pedigree des bonshommes, on ne va pas avoir de mal à comprendre que Quatermass figure parmi la crème des groupes progressifs qui ont bourgeonné à toute vitesse dans la Grande-Bretagne de 1970. Et quand on parle ici de progressif, il faut entendre la frange la plus costaude et la plus énergique du prog, à la limite du hard rock de Deep Purple ou Uriah Heep. La particularité de Quatermass est d’ailleurs de parvenir à un son surpuissant par le seul biais de la basse, de la batterie et de l’orgue, toute guitare étant exclue de l’ensemble.

La basse est tenue par John Gustafson. Personnellement, je retire mon chapeau et je pose un genou en terre lorsque j’entends ce nom, car John Gustafson a révélé avec le temps un talent exceptionnel sur la quatre-cordes. C’est un des meilleurs bassistes de tous les temps qui a commencé son parcours professionnel avec les Big Three et les Merseybeats, des groupes beat de la région de Liverpool qui tentaient de concurrencer les Beatles en 1963-64. Puis on retrouve Gustafson chez un petit groupe soul et psychédélique londonien qui va avoir son importance en tant que vivier de talents pour de futurs groupes appelés à régner. Episode Six possède en effet dans ses rangs un chanteur du nom d’Ian Gillan et un bassiste appelé Roger Glover, qui connaîtront bien sûr la gloire avec Deep Purple. Mais on trouve aussi Mick Underwood à la batterie.

Ce dernier a débuté au début des années 60 avec les Outlaws, petite formation rock ‘n’ roll dont le guitariste n’est autre que Ritchie Blackmore, également futur Deep Purple. Puis Underwood fait un passage en 1966 au sein de The Herd, groupe rock qui va lancer un jeune guitariste blond promis à un brillant avenir, Peter Frampton. Après les Episode Six, Underwood est disponible sur le marché pour monter un super-groupe avec Gustafson, remplaçant de Glover dans un groupe mis en veilleuse avant sa disparition définitive en 1974.

Le dernier lascar est Peter Robinson. Ce claviériste doué ne fait pas vraiment son beurre dans des groupes mais travaille intensivement en studio, où il compose pour d’autres artistes et participe à des enregistrements divers. C’est un requin de studio qui aspire à se dégourdir les doigts dans un groupe à lui. Les trois musiciens créent donc Quatermass en septembre 1969, tirant leur nom du héros des films de la Hammer qui combat les extra-terrestres de tout poil dans des films mythiques des années 50 et 60.

Au tout début des années 70, la scène progressive britannique est en pleine expansion et les maisons de disques créent des filiales spécialisées dans le prog. C’est ainsi qu’EMI met en place le label Harvest, qui vient concurrencer Vertigo (créé par Philips) et Deram (créé par Decca). La compétition est rude et les labels prog signent du groupe nouveau à tour de bras. Quatermass n’a donc aucun mal à trouver un contrat chez Harvest et part enregistrer les morceaux qu’il a composés aux célèbres studios Abbey Road de Londres.

Gustafson (qui tient aussi le chant), Robinson et Underwood mettent sur bande près d’une quinzaine de chansons, dont dix vont atterrir sur leur album « Quatermass » sorti en mai 1970. L’énormité du son de l’orgue, l’autorité d’Underwood sur les fûts et les lignes de basse puissantes et souples de Gustafson, avec en plus de brillantes compositions percutantes et efficaces, font de cet album un must en matière de hard rock progressif classique. Le groupe exécute deux titres phares écrits par Steve Hammond : « Black sheep of the family » et « Gemini », petit bolide où les instruments se collent au train à grande vitesse. Mais il ne faudrait pas oublier l’impressionnant « Make up your mind » qui ouvre la voie à « What was that », colossale improvisation progressive où l’orgue de Robinson fait trembler la terre sur des rythmes inquiétants. « Post war Saturday echo » est un long slow blues lent et langoureux qui a ses petits accès de colère réguliers. « Good Lord knows » calme le jeu en douceur et en grandeur sur des nappes de clavecin et « Up on the ground » donne sans complexe dans le hargneux avec un orgue qui frappe à ras de terre et un travail de colosse à la batterie. L’album se termine dans des ambiances plus jazzy avec un « Laughin’ tackle » dépassant les onze minutes, prétexte à un roboratif solo de batterie et des montages sonores audacieux faisant intervenir tout un orchestre de violons.

Un single comprenant deux inédits, « One blind mice/Punting », est distribué en Allemagne et ce disque devient rapidement un objet de collection. Quatermass rencontre un certain succès sur le continent et entreprend une tournée américaine à petit budget pour promouvoir son album. Cette tournée mal préparée ainsi que l’échec de Quatermass sur le marché américain précipite la séparation du trio.

Ceci n’empêche par les trois musiciens de Quatermass de continuer d’excellentes carrières. Mick Underwood joue dans Sammy, puis Strapps (de petits groupes de hard anglais à redécouvrir) puis atterrit en 1978 dans le Ian Gillan Band, histoire de boucler la boucle Deep Purple de toute cette histoire. Il retrouve son collègue John Gustafson, qui vient de terminer un périple chez Roxy Music (1973-76) après la réalisation de deux albums en 1972-73 avec le formidable combo Hard Stuff monté par John DuCann, un temps guitariste d’Atomic Rooster. Quant à Peter Robinson, il reprend ses activités de musicien de studio et d’arrangeur pour le compte d’artistes aussi divers que Phil Collins, Mike Rutherford, Shawn Phillips, Carly Simon, Bryan Ferry, Stealers Wheel ou Andrew Lloyd-Webber. On le retrouve également en 1972 avec John Gustafson au sein du projet Sphincter Ensemble, dont l’album inédit a récemment fait l’objet d’une chronique en ces pages.

43 ans plus tard, Peter Robinson s’associe avec le label Esoteric Recordings pour sortir un double CD remastérisé qui propose également en bonus les morceaux du single et quelques titres laissés pour compte. Les bandes matricielles ayant disparu, il a fallu tout nettoyer et remastériser à partir de copies. Un second CD comprend les mêmes titres dans une version 5.1 surround livrés sur support DVD. C’est une formidable occasion de découvrir ou redécouvrir dans toute sa splendeur sonore un des meilleurs disques de rock progressif de l’époque, lointain précurseur de ce qui deviendra le métal progressif quelques décennies plus tard. Et pour en terminer avec le filigrane Deep Purple qui a transparu tout au long de cette chronique, il est dit que le morceau « Black sheep of the family » a tellement impressionné Ritchie Blackmore que celui-ci a voulu en faire une reprise sur l’album « Stormbringer » en 1974. Ses camarades ayant à peine relevé sa proposition, le susceptible Blackmore en a pris ombrage et c’est ce qui l’aurait décidé à quitter le Pourpre pour former son groupe Rainbow et pouvoir enfin reprendre la chanson de Quatermass, ce qui fut fait dès le premier album « Ritchie Blackmore’s Rainbow » sorti en 1975.

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 22397
Sortie: 2013/06/24 (réédition, original 1970)

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