IWRESTLEDABEARONCE – Late for nothing
La critique musicale est un défi permanent. Comment trouver quelque chose de nouveau à dire sur un genre archi-galvaudé comme le metalcore, par exemple ? Les groupes qui se lancent sur cette voie ont très souvent une fâcheuse tendance à copier sans broncher les règles strictes du genre, au point de reproduire toujours les mêmes albums et toujours les mêmes chansons. Ainsi, en voyant arriver le troisième album d’Iwrestledabearonce sur ma table, avec l’étiquette metalcore collée dessus, je fus pris un moment par l’angoisse de la page blanche, gêné à l’idée de devoir répéter toujours les mêmes choses sur un énième groupe de metalcore américain parmi d’autres.
Pourtant, il s’avèrera que le cas Iwrestledabearonce est un peu particulier car cette formation de Louisiane commet en quelque sorte l’exploit d’être à la fois originale et parfaitement banale. Déjà, qu’est-ce qui a pris les guitaristes Steven Bradley et John Ganey de baptiser leur groupe avec un nom aussi idiot en 2007 ? Le patronyme imprononçable doit s’entendre comme « I wrestled a bear once », soit « j’ai lutté une fois contre un ours », ce qui est réellement arrivé à Steven Bradley, confronté un jour à un ourson qui lui a mis quelques coups de griffes dans les côtes avant de s’échapper dans la nature. En adoptant un tel nom, le groupe affichait déjà quelques prétentions à l’originalité.
L’autre originalité, c’est le metalcore foncièrement expérimental mis en place par le groupe dès son premier album « It’s all happening » en 2009. Iwrestledabearonce (ou IWABO, pour simplifier) avait eu à l’époque la bonne idée de chasser sur les terres du Dillinger Escape Plan avec une chanteuse au phrasé exceptionnel, Krysta Cameron. La donzelle était en effet capable d’une véritable schizophrénie vocale, alternant sans souffrance des growlings rugueux et un chant clair assez versatile.
Les promesses du premier album, arrivé à la 121e place du Billboard américain, sont concrétisées avec « Ruining it for everybody » (2001), encore plus aventureux, mêlant metalcore, mathcore, jazz et électro à la limite du dubstep. L’ombre du Dillinger Escape Plan n’est jamais très loin et IWABO souffre sans doute d’être perpétuellement dans cette ombre, pas encore capable de vraiment se distinguer des maîtres. Pourtant, une 80e place au Billboard est encourageante.
Alors, qu’en est-il du troisième album « Late for nothing », sorti comme les deux précédents sur Century Media ? C’est là que le bât blesse, parce qu’entretemps, Krysta Cameron a quitté le groupe pour cause de maternité. Sa remplaçante Courtney LaPlante (ex-Unicron) parvient peut-être à surprendre avec son registre vocal allant du grognement de rhinocéros en rut à des textures claires comme le cristal, mais cette voix claire ne rentre justement pas dans les traces de Krysta Cameron. Il y a comme un sentiment de coup porté à côté, loin de la cible. Ça ne percute pas. De plus, le groupe de Steven Bradley commet l’erreur stratégique de réorienter ses nouvelles chansons vers un metalcore beaucoup plus conventionnel, aussi orthodoxe que celui des affreux The Devil Wears Prada.
Les débuts de l’album sont assez pénibles. Ce n’est que vers la ballade « Mind the gap » que l’on commence à apercevoir une diversification. IWOBA parvient à séduire également avec « Carnage Asada » et son solo de guitare ultra-technique. Pas étonnant, il est signé Steve Vai, invité prestigieux qui va obliger tous ses fans à acheter l’album d’Iwrestledabearonce. Le groupe échappe à la catastrophe en plaçant en fin d’album trois titres un peu plus aventureux que les précédents. Mais les parties vocales claires de Courtney LaPlante reviennent toujours comme des scies et ça finit par irriter.
Déception donc pour ce troisième album qui ne tient pas le niveau de ses prédécesseurs. Il y a des choses intéressantes mais quand on a écouté « It’s all happening » et surtout « Ruining it for everybody », on reste sur sa faim. Il n’y a plus qu’à monter une association militant pour le retour de Krysta Cameron au sein d’Iwrestledabearonce.
Pays: US
Century Media
Sortie: 2013/08/12