VARIOUS ARTISTS – The Dutch Woodstock
Les 26, 27 et 28 juin 1970 s’est déroulé à Rotterdam un des premiers grands festivals pop de l’histoire du rock européen. C’était le Holland Pop Festival, que certains ont également appelé le Woodstock néerlandais. C’est intéressant à savoir car ce festival n’avait pas forcément laissé une trace marquante dans l’histoire des festivals rock européens du début des années 70. On se souvient bien sûr du festival de l’île de Wight en août 1970, qui fut le théâtre d’une des dernières apparitions de Jimi Hendrix. Les Belges se souviennent également du festival d’Amougies ou celui de Bilzen, qui servirent de préparation au désormais incontournable festival de Werchter dont la première édition remonte à 1975.
Mais ce Holland Pop Festival fut grand à plus d’un titre. D’abord par le nombre de festivaliers qui se présentèrent à l’événement, estimé de 100 à 120&tinysp;000. Enfin par la qualité des groupes invités. De ce point de vue, on a carrément les deux pieds dans la légende des années 60 et 70. Jugez sur pièces : Santana, Canned Heat, Jefferson Airplane, Country Joe, Dr John, Family, T. Rex, Soft Machine, The Byrds, East Of Eden et la tête d’affiche Pink Floyd. À mon commandement, vénérez. Et en plus de cela, on trouve de petits combos devenus depuis légendaires : les Néerlandais de Cuby & The Blizzards ou Living Blues, les hippies anglais de Quintessence ou les excellents It’s A Beautiful Day, groupe psychédélique américain que l’on pourra découvrir ou redécouvrir à l’occasion du DVD et du double CD qui figurent dans ce « Dutch Woodstock », édité par le label Gonzo Multimedia.
Mais comme souvent avec ce label, il va falloir faire la part des choses entre la qualité et l’exploitation bon marché. Et la distinction se fait très vite entre le DVD et le double CD. Côté vidéo, on assiste à une tranche de vie peu commune qui réunit des images du public en train de danser dans des transes psychédéliques, se baigner à poil dans le canal tout proche ou fumer des pétards gros comme mon avant-bras. On voit bien sûr les groupes sur scène, souvent filmés dans des gros plans peu malins où l’on aperçoit les poils de nez du chanteur de Canned Heat ou les ongles sales du batteur de Quintessence. De temps à autre, on est déçu de n’entendre Jefferson Airplane ou It’s A Beautiful Day qu’en musique de fond illustrant les images d’un public vaquant aux occupations typiques d’un festival (souvent soulignées par de belles images d’une jeunesse insouciante en ces riantes années 70).
Mais il y a aussi les belles surprises, comme les prestations magnifiques de Santana, de Pink Floyd, It’s A Beautiful Day, les jazz-rockeurs ricains de The Flock, les bluesmen psychédéliques de Canned Heat (avec Harvey Mandel à la guitare à l’époque, fabuleux !). Bref, ces images de l’idéologie Peace and love des années 70 sont tout simplement magnifiques. À l’époque, la jeunesse n’était pas sclérosée par les téléphones portables et s’éclatait vraiment, à mille lieues de penser que quatre décennies plus tard, les mômes des festivals passeraient leur temps à envoyer des SMS en passant complètement à côté du plaisir de communier avec la musique et le bonheur authentique.
Donc, le DVD accompagnant cette compilation « Dutch Woodstock » vaut vraiment le coup, pour peu qu’on soit fan de l’esprit et de la lettre des Sixties, ou qu’on ait envie de la découvrir. Mais du point de vue du double CD, on est ici à la limite du gadget inutile. La plupart des morceaux de ces CD sont ceux que l’on a pu voir sur le DVD. De plus, la qualité audio laisse à désirer, et les versions vidéo passent mieux grâce aux images. Mais si l’on se place sur le terrain purement audio, on croit avoir affaire à de mauvais enregistrements pirates. Il y a cependant quelques morceaux qui ne figurent pas sur le DVD, comme les prestations de Cuby & The Blizzards ou Living Blues, figures de proue du blues rock batave de l’époque (et qu’il faut redécouvrir, croyez-moi !). On trouve aussi deux titres extraordinaires d’East Of Eden, formation progressive anglaise qui était très bien considérée par la presse et le public en 1969-71. Ce groupe aussi est à redécouvrir par tous les moyens. Mais pour le reste, redite et son pourri font immédiatement opter pour le DVD. Par exemple, les affreux bêlements de chèvre sous acide de Roger Chapman de Family sont tout à fait insupportables en version audio, alors qu’ils passent mieux en version filmée (on se demande d’ailleurs comment il arrive à faire ça avec sa gorge).
Reste que ce « Dutch Woodstock » n’est ni plus ni moins qu’une émission de télé d’époque récupérée par le label Gonzo Multimédia, qui l’a reproduite telle quelle en version vidéo, en espérant apporter une plus-value avec une bande-son bricolée et assez inaudible. Regardez surtout le DVD, en allumant un gros pétard ou en ingurgitant un bon litre de bière, et vous retrouverez l’esprit, l’insouciance et la légende de ces mythiques années 70 derrière lesquelles tout le monde court après en oubliant juste une chose : se débarrasser d’abord des téléphones portables et de Facebook.
Pays: NL
Gonzo Multimedia
Sortie: 2013/05/20