DEMIAN CLAV – Adrift (Ten years before Scardanelli)
Virage à 180 degrés pour nos auditeurs habitués à quelque chose de volubile et d’optimiste. Ici nous sommes partis au fond de la noirceur avec un groupe français qui cultive la mélancolie et l’obscurité. Demian Clav, qui vit le jour en 2006 à Nantes, élabore un rock à la fois gothique et poétique. Fondé par Dominique Clavreul, cheville ouvrière du groupe, il est rejoint en 2009 par Jean-Charles Wintrebert, puis en 2013 par Jean-Yves Brard. Troisième album donc pour cette équipe qui a déjà participé à près de 50 concerts avec d’une part deux ouvertures pour le Legendary Pink Dots et, d’autre part, une participation en 2010 à un concert au prestigieux Château de Chambord. Nombreux instruments comme le violon, le violoncelle ou le piano participent à l’élaboration de cette étrange alchimie musicale.
Pour bien se mettre dans l’ambiance adéquate, prenons le temps de réécouter les albums de Bauhaus, Joy Division ou ceux du grand Nick Cave car, sinon, l’auditeur perd rapidement le sens des choses puisqu’il ne sait pas où il met les pieds. Quelques mots tout d’abord sur le fil conducteur de cet album avec pour principale référence, la vie du poète et philosophe Scardanelli, de son vrai nom Friedrich Höderlin né en Allemagne en 1770. Dans la même mouvance que celle du grand Goethe, Scardanelli aura un grand impact dans les domaines de la poésie, de la philosophie et de la psychanalyse. Tout ceci pour planter le décor du contenu musical qui, d’entrée de jeu, nous embarque dans une atmosphère mélancolique où la musique classique sert de base sonore. Tempo lent au départ avec, en finalité, une accélération du rythme. La musique classique perdure avec, pour compagnon, une narration sobre qui nous rappelle des films comme Les rivières pourpres ou Le pacte des loups. La mélancolie nous envahit peu à peu et pour certains la peur aussi. Plongée dans un rock gras par la suite avec un rapprochement vers l’univers de la cold-wave et de la scène batcave. Un autre nom me vient en tête, car il épouse parfaitement la démarche de nos amis français. Je veux parler des Virgin Prunes qui ont hanté le public par leur musique hautement décalée et dérangeante. Ballade classique pour suivre avec un ton plus léger et moins glauque. Retour de la narration avec une cinquième piste plus monocorde et un peu soporifique qui s’éveille seulement sur la fin. Dommage !
Mais voici venir la plage « Living Sculture » assurément la plus belle au niveau musical, à la fois mélancolique et puissante. Très beau travail d’orchestration qui devrait vous frapper en plein coeur. Vient ensuite une ballade mélancolique qui maintient l’effet de puissance et d’intensité de l’ensemble joué avec toujours une grande orchestration qui s’emballe dans sa partie centrale. On garde le cap avec toujours ce chant mélancolique et cette orchestration à mi-chemin du rock et du classique. Travail fouillé jusqu’à présent avant le final qui prend la forme d’un mini récital au piano, accompagnant une dernière narration.
À la fois déroutant, dérangeant et enivrant, Demian Clav nous offre ici une oeuvre où classique et rock s’entrechoquent dans une ambiance lourde de mélancolie. Outil de philosophie ou de psychanalyse, cet album est intense et seul un public averti pourra faire correctement la part des choses. Une musique qui nous replonge dans l’atmosphère des eighties où de grands groupes déjà cités ont construit des courants musicaux qui ont marqué les esprits. Personnellement, j’adhère à ce genre de démarche. À vous de voir !
Pays: FR
Yajna Editions YAJ019
Sortie: 2013/04/25