SYCAMORE AGE – Sycamore Age
Par ces temps de pluie, de grisaille et d’humeur morose, pourquoi ne pas se plonger encore plus dans la tristesse, histoire de bien aller au fond du drame, en se laissant emporter par les sonorités bien flippantes de Sycamore Age ?
À entendre ces sept chevelus élucubrer leurs mélodies lentes et romantiques à la neurasthénie gothique, on aurait pu les croire débarqués de la banlieue pluvieuse de Manchester ou d’une université du Nebraska, à la limite d’un village lapon frappé d’une épidémie de fièvre aphteuse. Mais les gens de Sycamore Age sont Italiens, de la riante cité d’Arezzo plus précisément, où ils s’associent en musique au début de 2010.
Comment des Italiens élevés au soleil, nourris aux pâtes fraîches et aux légumes naturels, bercés de sérénades à la mandoline et revigorés par le Montepulciano local ont-ils pu sombrer dans la dépression sonore, la langueur mélodique et la mélancolie rythmique ? Il n’y a pas vraiment de réponse et on pourrait tout simplement se demander si ce n’est pas leur droit, après tout.
Au contraire, tout ceci est plutôt une bonne idée car on ne tarde pas à trouver chez Sycamore Age de beaux traits de caractère dans leur musique. De prime abord, on peut identifier des influences empruntant à la fois à Nick Drake, Radiohead ou The National, des musiciens ou formations qui n’ont pas l’habitude de faire dans la plaisanterie de corps de garde. Mais il y aussi la personnalité propre de Sycamore Age, qui emporte ses auditeurs dans des flottements nonchalants, des vapeurs de tristesse désabusée et des volutes de romantisme maladif. Certes, il faut être préparé mentalement à l’exercice, ce n’est pas le genre d’album à écouter si on est de bonne humeur ou à programmer lors d’une soirée karaoké avec des représentants de commerce japonais bourrés à la bière. Car il faut quand même admettre que Sycamore Age a toutes les capacités de faire passer Sigur Ros pour un groupe de reprises des Martin Circus.
Le groupe met en œuvre tous les instruments qui contribuent au vague à l’âme : piano tourmenté sur « Binding moon », « Dark and pretty part 2 » ou « Romance », violon grincheux sur « At the biggest tree », effets électroniques psychotiques sur « My bifid sirens » ou « How to hunt a giant butterfly ». La voix rappelle un peu celle de Matthew Bellamy de Muse, pas son côté mélodramatique et son lyrisme hyperbolique. Le tout contribue à un album hanté, erratique, en recherche d’absolu et confronté au gouffre de la vanité.
Vous vous posez des questions existentielles ? Vous multipliez les phobies des ascenseurs, paillassons, ouvre-bouteilles ou carnets à souche ? Vous aimez errer dans les cimetières en relisant Lautréamont ? Vous écoutez Mahler ou Sibelius au petit déjeuner ? Vous vous rongez les ongles jusqu’à la deuxième phalange ? Cet album est pour vous. Il est beau, torturé, glacial et empli d’une puissante force d’évocation. Mais il est déconseillé aux majorettes, aux gondoliers et aux vendeurs de voitures d’occasion.
Pays: IT
Santeria Records
Sortie: 2013/03/15