MR AVERELL – Gridlock
Mr Averell n’est pas le plus grand des frères Dalton mais le projet monté par un certain René van Commenée, personnage original connu aux Pays-Bas comme sculpteur de son, acteur de théâtre et compositeur de musique de théâtre ou spécialiste des feux d’artifice. Le bonhomme musarde dans le circuit musical batave depuis bon nombre d’années, ce qui lui a permis de se constituer un carnet d’adresses plutôt enviable. Il fréquente notamment les musiciens du fameux groupe prog anglais Van Der Graaf Generator, en particulier David Jackson avec qui René van Commenée réalise l’album « Batteries included ». On trouve également René en tant que percussionniste et chanteur aux côtés d’un autre Van Der Graaf, Judge Smith.
C’est ce même Judge Smith qui tente de définir Mr Averell, hésitant entre le compositeur sensible, le fou du rock, l’artiste d’avant-garde ou le clown pur et simple. Il est effectivement très difficile de classer l’œuvre de René van Commenée quand il se mue en Mr Averell, tant sa musique décalée et improbable fuit systématiquement toutes les tentatives de mise dans des tiroirs. Et les activités professionnelles de René van Commenée relèvent elles aussi de l’inclassable. Membre du trio The Art Of Doing Nothing avec Willem Tanke et Martijn Alsters, le grand René se veut aussi créateur de sons visuels et compositeur de chansons.
Afin de bien compartimenter cette activité de songwriter, René van Commenée a créé à dessein Mr Averell, qui en est aujourd’hui à son deuxième album. Pour le réaliser, van Commenée s’est entouré d’une palette de musiciens on ne peut plus prestigieux : Mike Garson (David Bowie, Smashing Pumpkins), Lene Lovich, David Jackson (Van Der Graaf Generator, Peter Gabriel), John Ellis (The Vibrators, The Stranglers, Peter Gabriel, Peter Hammill), Judge Smith (Van Der Graaf Generator), Hugh Banton (Van Der Graaf Generator), Stuart Gordon (Peter Hammill, Peter Gabriel, Massive Attack), Ninca Leece, Willem Tanke, Martijn Alsters, Tammo Heikens, Dyane Donck (Daisy Bell) et Lisa Weiss.
Au vu de noms comme Peter Gabriel, Peter Hammill ou Van Der Graaf Generator, je vois déjà les amateurs de prog se frotter les mains. Je préfère les prévenir tout de suite : pas de rock progressif compliqué et subtil dans cet album. René van Commenée livre au contraire de la chanson étrange, des paroles naïves, un minimaliste parfois irritant et des atmosphères sans cesse déstabilisantes. C’est une sorte d’expédition aventureuse dans de l’expérimentation chansonnière et du bricolage sonore. La voix baroque de René van Commenée vient raconter des histoires vécues à la première personne, un peu décousues, souvent touchantes.
On pénètre aussi parfois dans de l’avant-garde pure, avec des montages sonores incongrus (« Babel »), qui font carrément penser à de l’Einstürzende Neubauten. La légendaire chanteuse Lene Lovich intervient sur deux titres, dont « Gridlock », délire prog funk sur les embouteillages du matin aux Pays-Bas. On pourrait considérer que le seul morceau logique de cet ensemble est la belle ballade triste « Sightseeings », où le chant solitaire de René van Commenée est servi par un piano et un saxophone free jazz.
Dans l’ensemble, ce « Gridlock » n’est pas ce qu’on peut appeler un album facile d’accès. Surprenant à la première écoute, il gagne en profondeur au fil des écoutes, mais il reste fondamentalement un délire avant-gardiste anticommercial et farfelu. Non dénué de charme, mais assez tordu.
Pays: NL
Gonzo Multimedia
Sortie: 2013/05/09