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COCHISE – Velvet mountain: an anthology 1970-1972

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La scène rock britannique des années 70 était d’une insolente richesse. Que ce soit dans le rock, le hard rock, le blues rock, la northern soul, le folk, le psychédélisme, le glam rock, le rock progressif ou autre pub rock, des centaines de groupes tous plus talentueux les uns que les autres se bagarraient pour accéder aux plus hautes sphères de la légende et de la gloire. Il y en avait bien trop pour que la postérité puisse tous les retenir. Au début des années 1970, également, un nouveau son arrive d’Amérique et séduit de nombreuses formations anglaises : la west coast. Aujourd’hui appelée americana, elle a été initiée à la fin des années 60 par des groupes US ayant abandonné le psychédélisme, comme Grateful Dead, Buffalo Springfield, Poco, les Byrds ou The Band, dont l’album « Music from Big Pink » (1968) est un véritable catalyseur pour certains musiciens anglais qui se convertissent immédiatement (Eric Clapton, par exemple).

Dans cette mouvance, de nombreux groupes britanniques se forment et portent volontiers des noms qui évoquent les grands espaces de l’Ouest et la culture indienne : Quiver, Bronco, Hookfoot et Cochise. Ce dernier groupe est sans doute l’un des meilleurs dans le genre, à la fois dans cette catégorie de petits groupes de série B néanmoins excellents et dans ce style rock west coast lorgnant vers la country mais ayant conservé un certain cachet anglais. Cochise a réalisé trois albums entre 1970 et 1972, n’a jamais pu placer un hit dans les charts anglais et n’a pas eu l’ombre d’une chance de percer aux États-Unis. Et cela n’est ni la faute de ses musiciens, tous formidables, ni du management, entièrement tourné vers la promotion du groupe, ou de la qualité des albums, tous produits avec la plus grande compétence. La raison principale de cet échec, c’est la poisse, le mauvais endroit au mauvais moment, le mauvais créneau, la chanson géniale qui ne vient pas.

Aujourd’hui, une nouvelle chance est donnée à Cochise avec la réédition de ses trois albums en un double CD par le label Esoteric Recordings. C’est l’occasion de découvrir la musique et l’histoire de ce groupe formé en 1969 par des musiciens dont le destin va croiser celui d’artistes de renom. Rick Wills (basse) et John « Willie » Wilson (batterie) viennent d’un petit groupe appelé Jokers Wild, où ils jouaient avec un certain David Gilmour. Stewart Brown (chant) a débuté dans Bluesology, un groupe comprenant également un tout jeune Elton John. Mick Grabham (guitare) vient de Plastic Penny, formation psychédélique ayant déjà deux albums à son actif en 1968 et 1969. Seul Brian « BJ » Cole ne semble pas avoir de pedigree consistant mais il va devenir plus tard un des musiciens de session les plus demandés d’Angleterre.

Cochise trouve un abri chez Clearwater Productions, maison de management ayant déjà Skin Alley, Hawkwind ou High Tide dans son écurie. Le groupe est également signé par le label United Artists/Liberty pour ce qui est de l’enregistrement de ses albums. Ces trois albums ont comme point commun de développer un style west coast proche de la country mais toujours compensé par la guitare très rock de Mick Grabham, dont certaines interventions bien lourdes redonnent un coup de fouet lors de l’écoute des disques. C’est particulièrement vrai sur le premier album « Cochise » (1970), produit par le légendaire Dick Taylor, qui vient de quitter à l’époque les Pretty Things.

« Swallow tales », le deuxième album, est enregistré avec John Gilbert au chant, qui remplace Stewart Brown. Cet album est plus influencé par la country et voit de belles interventions de BJ Cole à la pedal steel, son instrument de prédilection. De nombreux musiciens de Quiver et Hookkfoot figurent parmi les invités, où l’on compte aussi le fameux Steve Marriott, ex-Small Faces qui est à l’époque leader d’Humble Pie et qui intervient dans les chœurs de « Why I sing the blues ». Cette chanson est extraite en 45 tours mais ne parvient pas à intégrer le hit-parade anglais, à la différence du single « Love’s made a fool of you », une reprise de Buddy Holly qui trouve une petite place dans le Top 100 américain.

Ce sera le seul mouvement sérieux de Cochise vers un hypothétique succès. L’arrivée de Roy Otemro à la batterie en remplacement de John Wilson (parti rejoindre Quiver) permet à Cochise de réaliser un troisième album « So far » plus technique et plus dans l’urgence. On remarque notamment dans le genre un morceau comme « Cajun girl » ou une excellente reprise en concert de « Dance, dance, dance », un titre de Neil Young. « Thunder in the crib » est également une belle composition signée BJ Cole. Au moment où sort « So far » en 1972, Cochise est en train de se dissoudre. Un succès trop modeste a eu raison de la patience des musiciens.

Après Cochise, Mick Grabham enregistre un album solo (« Mick the lad », 1972) puis rejoint les rangs de Procol Harum ; BJ Cole est également l’auteur d’un album solo (« The new hovering dog », 1972) puis il développe une impressionnante carrière de musicien de studio qui l’amènera à collaborer avec des artistes aussi divers qu’Elton John, Cat Stevens, Jerry Lee Lewis, Joan Armatrading, Björk, Depeche Mode ou Elvis Costello. Rick Wills et John Wilson retrouvent quant à eux leur camarade David Gilmour sur son premier album solo de 1978. Wilson fera même partie de l’équipe de concert de Pink Floyd au moment de « The wall » en 1979.

Voilà donc l’histoire de Cochise, honnête formation talentueuse qui n’a pas eu la chance qu’elle méritait. L’histoire du rock est jonchée de milliers de groupes de ce genre, qui sont restés sur le bord de la route alors qu’ils avaient une sérieuse chance de réussir. Heureusement que rien n’est figé dans le temps et que nous avons toujours la possibilité de revenir en arrière pour redécouvrir ce genre de groupe. N’hésitons donc pas à le faire, puisque Esoteric Recordings nous en donne la possibilité avec ce superbe double CD chargé également d’informations intéressantes et de photos.

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 22388
Sortie: 2013/04/29

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