MOUNTAIN – Go for your life
Mountain a laissé le souvenir d’un des fers de lance du hard rock américain naissant à la fin des années 60 et au début des années 70. Ce groupe poids lourd avait bien des raisons de peser sur la scène rock US aux côtés d’autres flingueurs électriques comme Grand Funk, Cactus, Bob Seger, Alice Cooper, Steppenwolf ou Blue Cheer. Son guitariste Leslie West, 150 kilos tout nu, avait développé un style percutant et lourd, parfaitement relayé par les lignes de basse plantigrades de Félix Pappalardi et les cognements surhumains du batteur Corky Laing.
Mountain a transmis à la postérité de fantastiques albums de hard rock bluesy, avec de petites incursions folk ou poétiques : « Leslie West/Mountain » (1969), le chef-d’œuvre « Climbing » (1970), avec l’hymne hard rock ultime « Mississippi queen », « Nantucket sleighride » (1971), « Flowers of evil » (1971) et « Avalanche » (1974), auxquels il faut ajouter les impressionnants live « The road goes ever on » (1972) et « Twin peaks » (1974). Allez-y, tapez dedans sans hésitez : c’est du lourd, c’est du grand.
Mountain connaît à l’époque la vie classique des rock stars avec son lot d’excès et de débordements en tous genres. Leslie West a de terrifiantes addictions à la drogue et à l’alcool, Pappalardi développe de sérieux problèmes auditifs à force d’envoyer le jus à la puissance maximale sur scène. Après une première séparation en 1972-73, où West et Laing s’associent avec Jack Bruce (ex-Cream) pour fomenter deux albums au sein de l’excellent combo West, Bruce & Laing, Mountain revient brièvement aux affaires en 1974 mais se sépare bien vite à nouveau, laissant le loisir à Leslie West de développer une carrière solo à partir de 1975.
Tout semblait indiquer que Mountain était définitivement oublié dans les limbes du temps, surtout lorsqu’on apprit la mort de Félix Pappalardi, abattu le 17 avril 1983 par sa propre épouse (par ailleurs illustratrice des couvertures des albums de Mountain) au cours d’une dispute conjugale. Je rappelle pour votre survie, Messieurs, que les femmes ont toujours raison, surtout quand elles ont un calibre en pogne.
Ce tragique événement n’a pas empêché Mountain de céder aux sirènes de la reformation, grande tendance à la mode au milieu des années 80, qui vit ainsi ressurgir Deep Purple, Yes, Aerosmith dans son line-up original, Grand Funk, Ten Years After ou même les Doobie Brothers à la fin de cette décennie. Pour Mountain, c’est en 1985 que le groupe revient, finalement composé de Leslie West (guitare et chant), Corky Laing (batterie) et Mark Clarke (basse), éternel homme de main ayant servi chez Colosseum, Uriah Heep, Tempest, Ken Hensley ou Ian Hunter au cours des années 70 et 80.
Cette vague de reformations des années 80 a vu les noyaux originaux des fans concernés voir d’un mauvais œil le retour de leurs idoles passées, à qui l’on prêtait davantage de prétextes financiers que d’authentiques soucis créatifs dans ces démarches de résurrection. Mountain n’a pas fait exception à la règle et son album « Go for your life » a été scruté sous tous les angles par la critique et les fans, afin d’y repérer des failles. Et ici, ce n’est pas à des failles que nous avons affaire, mais à de véritables crevasses (normal, me direz-vous, pour une Montagne). La comparaison de cet album avec ses glorieux prédécesseurs des années 70 laisse en effet un goût amer en bouche. Mais il faut néanmoins relativiser.
Pour l’époque, « Go for your life » faisait en effet figure de pâle tentative de retour en première ligne pour un groupe qui avait atteint des sommets durant les années 70. Et à cette époque, la concurrence était rude dans le monde du hard rock, qu’on appelait depuis peu heavy metal. Les kids qui n’avaient pas connu la grande époque de Mountain étaient tous sous la coupe des Iron Maiden, Van Halen, Judas Priest, AC/DC ou Motörhead et les anciens, passés entretemps dans le camp du progressif respectable ou du rock FM insouciant, ont eu du mal à revenir à leurs premières amours hard rock, surtout au vu des morceaux relativement peu extraordinaires de la sélection composant « Go for your life ».
Mais aujourd’hui, avec le recul, on pourrait percevoir plus agréablement cet album, qui contient quand même des passages de rock lourd assez sympathiques (« Hard times », « She loves her rock (and she loves it hard) », « Making it in your car », « Babe in the woods »). Mais il faut aussi admettre que l’ensemble a peu supporté le test du temps, avec ces batteries électroniques sonnant typiquement eighties et le son des synthétiseurs qui refilaient à l’époque des boutons aux authentiques amateurs de hard rock (« Spark », « Shimmy on the foolights », « A little bit of insanity »). C’est l’amour inconditionnel que j’éprouve pour Mountain qui me fait retrouver avec plaisir cet album, mais si on veut vraiment écouter de l’intemporel et du magique, il vaut mieux se tourner vers les albums des années 70, ou écouter la compilation « Mountain – Crossroader: An anthology 1969-1974« , sortie il y a deux ans sur le label Esoteric Recordings, qui réédite d’ailleurs « Go for your life ».
Preuve que « Go for your life » a eu en 1985 un impact mineur sur le marché, il faudra attendre onze années supplémentaires pour voir revenir Mountain sur disque, avec « Man’s world » (1996).
Pays: US
Esoteric Recordings ECLEC 2390
Sortie: 2013/04/29 (réédition, original 1985)