CHILD BITE – Vision crimes / Monomania
Sacrée surprise que cet album divisé en deux, en provenance d’un obscur groupe de Detroit qui est quand même dans le circuit depuis 2005 mais qui semble se complaire dans l’underground. On sait peu de choses de ce Child Bite mais il est clair que leurs deux derniers EP réunis en un seul album vont servir de carte de visite. Et en matière de visite, ce sera plutôt le genre descente de police plutôt qu’une aimable visite d’un aide-comptable boutonneux venu demander la main de votre fille avec un bouquet de fleurs en plastique et des gants couleur beurre-frais.
Child Bite vient donc de la bonne ville de Detroit, déjà un excellent signe quand on se souvient que c’est le bled des Stooges et des MC5, entre autres. Shawn Knight (chant, guitare et effets électroniques), Sean Clancy (basse), Brandon Sczomak (guitare) et Ben Moore (batterie) ont des allures d’intellos décalés, le genre étudiant en électronique ou archiviste de musée d’art moderne. Mais dans leur tête, c’est le chaos, la rage, la réinvention du nucléaire à l’usage des ménages du Midwest.
Knight et Clancy sont les membres fondateurs de ce groupe qui aligne jusqu’à présent trois albums : « Wild feast » (2006), « Fantastic gusts of blood » (2008) et « The living breathing organ summer » (2010). Il faut y ajouter quelques EP, dont des splits avec d’autres combos (Stationary Odyssey, Dope Body) et un nombre conséquent de singles le plus souvent partagés avec des groupes comme DD/MM/YYYY ou Big Bear. Les deux derniers EP (« Monomania », 2012, et « Visions crimes », 2013) ont donc été assemblés en un seul CD de 13 titres qui va faire le bonheur des amateurs de post-hardcore arty et noisy.
Point de vue sons et riffs, ça démastique bien les tympans. Le chant de Shawn Knight vient se greffer sur ce rodéo sonore avec un timbre qui rappelle le grand Jello Biafra, hurleur des non moins mythiques Dead Kennedys. Les constructions des morceaux, folles et erratiques, démentes et imprévisibles, supportent sans problème la comparaison avec The Dillinger Escape Plan ou Jesus Lizard. On sent une certaine différence entre les sept premiers morceaux (« Vision crimes ») et les six suivants (« Monomania ») et il serait même conseillé de commencer l’écoute par « Wrong flesh », huitième morceau qui démarre le premier EP, pour plus de cohérence chronologique.
Enfin, la cohérence, c’est un terme un peu superflu si l’on veut s’enfoncer dans l’esprit et la vision musicale de Child Bite, qui aligne des morceaux aux durées diverses (de 40 secondes à plus de six minutes) et qui distille des ambiances angoissées et colériques en multipliant à l’envi les changements d’atmosphères. La production est compacte, à la limite du mono, absorbant l’auditeur dans un étau sonore inquiétant et étouffant. Les jérémiades de Shawn Knight s’enroulent autour de la cervelle pour mieux l’obséder et la section rythmique élastique et carnassière en rajoute une couche dans le chaos ambiant.
À la fois prospectif et rétro (les Dead Kennedys croisent les Minutemen), cet album de Child Bite est une grande bouffée d’air toxique dans un paysage parfois trop serein. À emporter impérativement lors de votre prochain séjour en asile psychiatrique, juste pour l’ambiance.
Pays: US
Joyful Noise Recordings
Sortie: 2013/04/02