FRAGMENT. – Temporary enlightenment
Après les big bands des années 40, les quintettes ou quatuors des années 60, les power trios des années 70, le monde de la musique et du rock en particulier a continué de produire des formations de plus en plus restreintes. La formule duo a fait florès dans les années 2000 et voici maintenant la dernière étape : le groupe unipersonnel, le one-man-band, la bande de jeunes à lui tout seul, avec par exemple Fragment.. Les deux points à la fin de la phrase ne sont pas une faute de frappe, c’est simplement parce que le projet de Thierry Arnal s’appelle Fragment. avec un point à la fin. Il faut donc un point pour Fragment et un autre point pour terminer la phrase.
Bon, après cette petite mise au point syntaxique, passons maintenant à la découverte du personnage et de sa musique. Thierry Arnal vient de Lyon et développe son univers musical dans son coin. Son Fragment. existe depuis 2006, a manifesté une certaine bougeotte entre différents labels (ConSouling Sounds, Denovali Records, Happy Prince…) et a accouché de toute une série d’EPs, split albums, compilations ou albums complets. Après « Monolith » (2008), « Fragment. » (2009), « … Is your truth carved in the sand? » (2009), « Home » (2011), voici maintenant « Temporary enlightenment ».
Thierry Arnal propose ici huit titres explorant de fonds en comble la veine doom, drone, sludge sur un mode contradictoire. À la lourdeur des guitares répondent la légèreté de la voix, l’évanescence du timbre, la frilosité du gosier. On est ici dans un mode très ambient qui a du mal à cacher ses influences. On pense immédiatement à Godflesh, et par conséquent Jesu, avec une petite touche de Type O Negative pour compléter.
Pris individuellement, chacun de ces morceaux, au demeurant assez longs (rien ne descend en dessous de six minutes et on se prend 72 minutes de drone doom ambient monolithique d’un coup), peut encore convaincre par sa beauté morbide, sa lenteur solennelle et sa lourdeur tellurique. Mais la somme des éléments particuliers aboutit à une longue croisière sur des eaux perpétuellement identiques, sans remous, sans changement de débit, avec sur les berges des paysages qui restent toujours les mêmes. Les amateurs de sludge et doom ambient auront vite fait de faire la comparaison avec Jesu et resteront sans doute sur leur faim dans l’attente d’éléments musicaux nouveaux qui pourraient faire avancer un peu le dossier.
Il n’est pas question ici de mettre en doute les qualités musicales de ce projet, qui fournit de belles ambiances pour ceux qui préfèrent l’hiver au printemps, les cimetières à Eurodisney ou les usines désaffectées aux boîtes de nuit. Mais les influences mal dégrossies ayant peine à se détacher de l’ombre de Jesu, Godflesh ou même My Bloody Valentine, la répétition du même schéma mélodique quasiment huit fois de suite et l’envahissement de l’auditeur par des ambiances sépulcrales profondément pessimistes ont tendance à plomber un peu cet album, qui reste intéressant mais donne une impression de déjà entendu et une image de sentier battu. C’est peut-être là le problème du groupe unipersonnel : pas d’autres musiciens pour venir questionner les délires du leader et faire des contre-propositions (enfin, avec les exemples de Whitesnake et Guns ‘n’ Roses, cet argument n’est peut-être pas si pertinent que ça).
Pays: FR
OPNCD0020
Sortie: 2013/01/04