CHICKEN SHACK – Unlucky boy
Chicken Shack, pilier du blues rock anglais des années 60 et 70 avec ses compatriotes Savoy Brown et Fleetwood Mac, a réalisé quelques albums fondamentaux du genre. Sur le label Blue Horizon entre 1968 et 1970, ce sont les excellents « 40 blue fingers, freshly packed and ready to serve » (1968), « OK Ken? » (1968), « 100 ton chicken » (1969) et « Accept » (1970) qui se succèdent pour le plus grand plaisir des amateurs de blues électrifié.
Puis, en 1971, Stan Webb, leader du groupe (chant et guitare), reconstruit Chicken Shack dans une optique plus hard rock et accouche du formidable « Imagination lady« , chroniqué en ces pages il y a quelques mois. C’est le label Esoteric Recordings qui a eu l’excellente idée de rééditer cette merveille et le voici maintenant qui propose la suite des aventures de Stan Webb et Chicken Shack, avec les albums « Unlucky boy » (1973) et « Goodbye » (1974).
À l’époque d’« Unlucky Boy », Stan Webb a encore effectué des changements dans son groupe. Exit le bassiste John Glasscock au profit d’une formation en quintette qui conserve le batteur Paul Hancox et intègre trois musiciens mythiques : Bob Daisley à la basse, Chris Mercer au saxophone et Tony Ashton aux claviers. Bob Daisley a un pedigree impressionnant : Australien d’origine, il a commencé dans l’inconnu mais brillant Kahvas Jute, puis a émigré au Royaume-Uni où il démarre sa carrière dans Chicken Shack, avant de passer successivement chez Mungo Jerry, Widowmaker et surtout Rainbow, Ozzy Osbourne, Uriah Heep, Gary Moore, Black Sabbath et participer à des dizaines d’albums en tant que musicien invité. Une véritable sommité.
Chris Mercer a été vu dans les Bluesbreakers de John Mayall, les Misunderstood (excellent groupe R ‘n’B rugueux débarqué des USA en Angleterre mais qui ne connaîtra aucun succès), Juicy Lucy (un second couteau heavy blues rock de très bonne facture), puis plus tard chez Gonzalez, Stretch (le groupe d’Elmer Gantry), et des groupes ultérieurs montés par Bryan Ferry ou Chris Farlowe. Tony Ashton (1946-2001) était un grand copain de Jon Lord, claviériste de Deep Purple avec qui il participera aux projets Ashton, Gardner & Dyke, Ashton & Lord, Paice Ashton Lord ainsi qu’à de nombreux albums solos de membres de la confrérie Deep Purple (Roger Glover, Jon Lord) mais aussi Family, John Entwistle, Medicine Head ou Eddie Hardin.
Chicken Shack met au point son « Unlucky boy » avec la participation de Neil Slaven à la production, comme pour « Imagination lady ». Comme le précédent, l’album sort sur le label Deram, filiale de Decca donnant volontiers dans le blues ou la soul (Ten Years After, Amen Corner, Keef Hartley Band…). La principale caractéristique de ce nouvel album de Chicken Shack est un retour plus marqué aux racines blues. Le hard rock qui avait enjolivé « Imagination lady » est plus en filigrane et apparaît par exemple sur le morceau introductif « You know could be right », qui illustre tout de suite le magnifique jeu de guitare de Stan Webb. Celui-ci a composé la majeure partie des morceaux de l’album, qui ne comprend que trois reprises : « Too late to cry » (Lonnie Johnson), « Unlucky boy » (Thornton et Dupree) et « He knows the rules » (Jimmy McCracklin). Cet album est d’une indéniable qualité, fait trembler l’âme avec de beaux slows (« Revelation », « As time goes passing by »), répand l’enthousiasme avec le frénétique « Stan the man » ou le funky « Jammin’ with the Ash » (quand Tony Ashton nous sort tout son art du piano). Mais il manque un petit chouïa pour le faire parvenir au niveau d’« Imagination lady ». Ce n’est la faute de personne car « Unlucky boy » est victime du syndrome classique du disque qui doit succéder à un chef-d’œuvre. Le gigantisme du prédécesseur fait souvent de l’ombre au disque qui sort après et il n’y a sans doute que les Beatles qui ont réussi à aligner sept ou huit chefs-d’œuvre d’affilée sans difficulté.
Cela ne veut pas dire qu’« Unlucky boy » soit médiocre, bien au contraire. C’est un retour au blues qui doit être accepté comme tel et, pris isolément, le disque est un beau moment. Il ne donnera malheureusement pas de suite puisque Stan Webb dissout son groupe peu après pour tenter une aventure sans lendemain avec Savoy Brown, parti en tournée aux États-Unis en première partie de Deep Purple. Stan Webb rentre au pays épuisé avec l’idée de reformer à nouveau Chicken Shack, une sage décision. De l’époque 1973, Chicken Shack a également dans sa besace un album live intitulé « Goodbye », qui sort en 1974 au moment où Stan Webb a mis son groupe en sommeil. Mais ceci est pour une autre chronique.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2378
Sortie: 2013/02/25 (réédition, original 1973)