KEREN ANN – Nolita
Keren Ann Zeidel a vécu en Israël, aux Pays-Bas et en France. Actuellement, elle vit et travaille à New York. Partagée entre la musicalité de la langue anglaise et la profondeur de la langue française, Keren Ann Zeidel vient de sortir un très bon album bilingue intitulé « Nolita ».
Pourquoi ce titre ? Première raison : North Little Italy est l’endroit où elle habite à New York. Deuxième raison : Lolita est un personnage inventé pour signifier quelque chose de léger, d’innocent, d’ignorant, d’éphémère, de désabusé, ce qu’elle refuse d’être. Elle a donc choisi No Lolita. Troisième raison : c’est un prénom. Quatrième raison : c’est la chanson de l’album qu’elle préfère. Cet album, elle l’a enregistré dans son studio Yellow Tangerine, à New York.
Amie de Françoise Hardy, elle chante un peu comme elle. Elle aime aussi Joan Baez, folk singer des années 60, Joni Mitchell, Suzanne Vega et Serge Gainsbourg. Pourtant, le climat de l’album fait irrémédiablement penser à Carla Bruni, surtout au début, et plus particulièrement sur « Midi dans le salon de la duchesse ».
« Que n’ai-je ? » est une réflexion intimiste et très personnelle sur l’absence de trace et de mémoire, chantée et jouée sur le mode low key. S’effacer du paysage et tout oublier, fantasme ultime qu’elle aborde avec beaucoup d’intelligence. « L’onde amère » parle de l’absence de repères et de souvenirs à craindre, une sorte de flottement intemporel. La trompette de Avishal Cohen, très bien jouée, apporte un peu de dramatisation supplémentaire sur ce morceau doux amer.
« Chelsea Burns » est une ballade irlandaise plus que triste, presque désespérée. L’harmonica joué par Jean-Jacques Milteau ajoute encore un peu plus de mélancolie. Dans « Midi dans le salon de la duchesse », elle nous dit notamment :
Mon désespoir/ Est sur le quai des au revoirs/Je suis bien mieux/Sur celui des adieux.
Alors, est-elle le pendant féminin de Ian Curtis ? Va-t-elle nous claquer dans la main, sur fond de musique qui dégouline de spleen ? Que nenni. Dans la vie, je suis plutôt joviale, dit-elle. Changeante est la femme …
Très classe, bourré de sensibilité, « Nolita » est en effet un morceau sublime et on comprend qu’elle le préfère aux autres. C’est tout simplement un petit chef-d’œuvre accompagné de façon magistrale au piano. Keren Ann se prétend assez paumée dans la vie normale. Sur « Roses & Hips », elle demande qu’on lui tienne la main pour la conduire. Quoi de plus naturel ? Autre très belle ballade bittersweet, « One Day Without » s’égrène tout en douceur et en tristesse.
Le très énigmatique « La forme et le fond » renoue avec la chanson française. Sauver les apparences en est le thème. Complètement désabusée, Keren Ann, quoi qu’elle en dise. Le violon de Karen Brunon y fait des ravages. Sur « For You And I », une ballade très douce, elle joue la plupart des instruments et montre une autre facette de son talent et de son univers très personnel.
« Song Of Alice » termine le set avec un narrateur, Sean Gullette. Alice au pays des merveilles, tout un programme. Elle a choisi le chat pour illustrer la cover photo parce que c’est un animal très doux et imprévisible à la fois. Comme elle.
Entre chanson française et pop rock, cet album très spécial et de bon goût mérite d’être découvert par les amateurs de musique subtile et nuancée. Sans aller jusqu’à émettre un jugement de valeur, les fans de Motörhead, AC/DC ou Rage ne devraient pas trop aimer.
Pays: FR/NL
Capitol / EMI 7243 8756420 6
Sortie: 2004/11/09