HBC – Henderson Berlin Chambers
Quand trois vieux crocodiles du marigot jazz-rock unissent leurs forces pour rendre hommage aux plus grands maîtres du genre, cela donne lieu à des joutes célestes, à du grand art. HBC sont les initiales de Scott Henderson, Jeff Berlin et Dennis Chambers, trois musiciens dont les pedigrees dans l’aventure jazz-rock sont à peu près aussi imposants que le casier judiciaire de Silvio Berlusconi.
Identifions les suspects. Le guitariste Scott Henderson (58 ans) a débuté avec Chick Corea, puis a travaillé entre autres avec Jean-Luc Ponty (un temps violoniste de Frank Zappa), Jeff Berlin, Joe Zawinul (un des fondateurs de Weather Report, groupe jazz-rock fondamental des années 70) et a fondé son propre groupe Tribal Tech. Le bassiste Jeff Berlin (60 ans) mène une riche carrière solo mais a également été vu aux côtés de Patrick Moraz (ex-Yes, ex-Moody Blues), Bill Bruford (un temps batteur de Yes et de King Crimson), Allan Holdsworth (guitariste prodigieux ayant joué dans Igginbottom, Tempest, Bill Bruford, UK, The New Tony Williams Lifetime) ou KD Lang. Le batteur Dennis Chambers (53 ans) est allé écraser les peaux chez Santana, Parliament/Funkadelic, John McLaughlin ou Greg Howe.
Inutile de dire que les CV de ces bonshommes sont monumentaux, olympiens et qu’ils ont joué avec le gratin ultime de la galaxie jazz-rock. Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le jazz-rock, ont oublié ou ne veulent plus s’en souvenir, disons que le genre repose sur quelques grands noms, comme John McLaughlin et son Mahavishnu Orchestra, Chick Corea, Herbie Hancock, Billy Cobham, Jeff Beck en 1975-76 et Weather Report (qui comprenait Joe Zawinul et Wayne Shorter).
L’album de HBC rend précisément hommage à Wayne Shorter, Joe Zawinul, Herbie Hancock et Billy Cobham avec une série de reprises de ces artistes figurant sur ce premier album du trio infernal. On démarre avec Herbie Hancock et « Actual proof », joué par HBC avec une dextérité à tomber par terre. Le trio reprend également trois titres de Wayne Shorter (« Mysterious traveller », « Footprints », « Sightseeing »), deux de Joe Zawinul (« D flat waltz », « The orphan ») et termine par une reprise de Billy Cobham (« Stratus »). Deux compositions originales de HBC complètent l’ensemble : le blues « Wayward son of devil boy » et « Threedom » (un petit exercice de guitare semi-acoustique).
D’un bout à l’autre, on reste bluffé par le niveau technique faramineux d’Henderson, Berlin et Chambers. Les types ont quinze doigts à chaque main, quatre bras supplémentaires, glissent à la vitesse du son sur des notes feutrées, balancent du solo de batterie à la cantonade. C’est tout simplement sidérant. Mais cela repose encore et toujours la question de la part de sensibilité dans un ensemble outrageusement technique qui, s’il brille par son impeccable mécanique, laisse un peu de côté l’aspect sentimental des choses. HBC a eu la bonne idée de choisir des reprises, ce qui permet de se ranger derrière le respect des anciens sans trop se poser de questions sur ce que les trois musiciens auraient fait s’ils s’étaient livrés à des compositions uniquement originales. Mais ce genre d’exercice, c’est comme une poursuite en bagnole dans un film d’action : on en a déjà vu plein mais ça nous met quand même une claque à chaque fois.
Pays: US
Music Theories Recordings / Mascot Records
Sortie: 2012/10/29