BAGDAD RODEO – Deux
Des larmes de rire aux yeux et les oreilles encore fumantes, je termine l’écoute du deuxième album des Français de Bagdad Rodéo, un nom qui n’annonçait pas forcément monts et merveilles mais qui révèle au bout du compte un univers rock d’une drôlerie folle et d’une causticité qui manquent toujours cruellement de nos jours.
Un groupe de rock qui envoie le bois question décibels et qui torche des paroles tout aussi politiquement incorrectes que pertinentes doit absolument être extrait de la masse amorphe qui écrase la culture et l’esprit critique et être posé sur un piédestal d’où il sera montré en exemple à tous les groupes qui se contentent d’écrire sur l’état de leur nombril tout en évitant soigneusement de mettre le doigt là où ça fait mal.
Eh bien, Bagdad Rodéo est cette perle rare qui ose. Ose des paroles truffées d’humour, gonflées au vitriol quand il s’agit de brocarder l’hypocrisie des politiques et ou la stupidité des cadres supérieurs, de flinguer à vue les accros du tabac, les religions ou la médiocrité des élites. Ose le mélange des genres entre stoner couillu, hard rock impulsif, ska punk alternatif ou rock dansant, tout cela orné de paroles très bien écrites, au vocabulaire recherché servant une vulgarité classieuse et une approche fine et fielleuse de sujets supposés graves mais tournés en dérision, à juste titre d’ailleurs.
Imaginons Coluche et Pierre Desproges ressuscités ayant écrit des paroles mises en musique par Trust ou Lofofora et on obtient un véritable passage à tabac sonore et un festival de chansons dont les thèmes ferment d’office les portes des médias consensuels et ignares à Bagdad Rodéo. Celui-ci allie à merveille humour décalé et pertinence de textes qui secouent le cocotier pour en faire tomber toutes les scories politiques, les mensonges écologiques, les dégâts du machisme, de l’extrémisme et le mal absolu qui gangrène notre société fatiguée, oui, nommons-le sans avoir peur : la connerie.
Des exemples ? « Quand je serai mort, je vais me faire chier comme un Suisse sans coffre-fort » (« Quand je serai mort »). « On a pendu Saddam au nom de Dieu et de missiles qu’il planquait sous le sable ou dans son garage à vélo » (« Bagdad Rodéo »). « Dis-moi papa, comment ils font, ces chanteurs de variétés, pour vendre des disques sans les avoir composés » (« Dis–moi papa »). Et tout est du même tonneau, entre jugement sans illusions du 21e siècle (« Le nouveau millénaire »), analyses sociales sans pitié digne de Renaud avant qu’il ne sombre dans le Ricard (« Le couple idéal », « Un homme, une … et une Mastercard ») ou moquerie sans honte sur les religions (« Mon pote Jésus »). Ajoutons à cela quelques blagues potaches (« La classe américaine », « J’aime pas les filles ») et on a entre les mains une petite bombe ou une boîte remplie de poil à gratter qui viendra énerver la société bien-pensante et hypocrite qui a transformé ce siècle en voyage au bout de l’ennui.
Quand le rock reprend son rôle d’empêcheur de tourner en rond, on ressort les cotillons et les serpentins et on fête son retour, incarné ici par cet excellent Bagdad Rodéo dont on espère encore de nombreux albums de cet acabit, vendus sous le manteau et éloignés des tentations de rentrer dans le système.
Pays: FR
Bagdad Rodéo BR 12001/1
Sortie: 2013/01/21