REDFEARN, Alec K. & THE EYESORES – Sister death
La maison Mandaï Distribution, qui opère dans la région de Namur, fête cette année ses dix ans et elle ne s’est jamais portée aussi bien, avec un nombre très conséquent d’artistes qu’elle fait découvrir sur le marché belge. La plupart du temps très originaux, voire avant-gardistes, ces musiciens connaissent grâce à Mandaï la chance de pouvoir être découvert dans le pays et ça, on ne va pas s’en plaindre.
Dernière curiosité captivante en provenance des États-Unis, Alec K. Redfearn & The Eyesores, qui ont déjà une certaine expérience (une quinzaine d’années au service des sonorités étranges et expérimentales). « Sister death » est le septième album de la formation et il est, d’après les dires d’Alec K. Redfearn, celui qui lui a pris le plus de temps à fabriquer. L’homme a écrit des chansons durant six ans, il a laissé des dizaines de morceaux non retenus sur le carreau, il est allé se perdre dans les confins du krautrock, du space rock et du psychédélisme pour finalement revenir victorieux avec de la matière qu’il a croisée avec son style de prédilection : l’utilisation de l’accordéon, de la contrebasse et de l’électronique au service d’une musique située entre avant-garde et folk orientalo-balkanique.
Inutile de vous dire qu’il va falloir s’immerger dans ce type de musique pour en retirer la substantifique moelle, bien qu’Alec K. Redfearn rassure en affirmant que « Sister death » est à ce jour l’album le plus accessible de sa discographie. Les plus intrépides d’entre nous auront donc compris qu’il y a davantage moyen de délirer avec ses précédentes œuvres que sont « May you dine on weeds made bitter by the piss of drunkards » (1999), « Bent at the waist » (2002), « Every man for himself and God against all » (2003), « The quiet room » (2005), « The smother party » (2006) ou « The blind spot » (2007). Ça, c’est pour la discographie des Eyesores car Alec K. Redfearn est aussi actif avec son autre groupe The Seizures (l’album « Exterminating angel » en 2009) ou dans Barnacled et l’Amoebic Ensemble.
Il faut donc suivre Alec K. Redfearn de très près si l’on veut savoir où il veut en venir et son album « Sister death » va sans doute aider à mieux cerner le personnage. Sans cesse hanté par un accordéon agissant soit en toile de fond soit en première ligne, « Sister death » propose une douzaine de titres brillant par leur originalité et leur capacité à faire des collages sonores empruntant à la fois à l’électro, au blues déjanté (l’impressionnant premier titre « Fire shuffle » qui vous en colle une façon « Willie the pimp » de Frank Zappa), au tango futuriste façon Astor Piazzola (« St. James infirmary/Headless emcee »), au folk hispano-balkanique libérant des hordes de gitans prêts à vous faire les poches après vous avoir fait pleurer d’émotion (« Black ice », « Hashishin ») ou à de surprenantes et entêtantes petites ballades vocales aussi touchantes qu’angoissantes (« Longreach », « Exhumed »). Il se dégage de ce disque une atmosphère de fin de fête, un peu comme la bande-son d’un film de clowns tristes. Il faut dire que la dizaine de musiciens du groupe, avec autant d’invités, manipulent un bric-à-brac d’instruments peu courants qui permettent d’élaborer une très grande subtilité dans les ambiances et les constructions musicales.
Relativement complexe dans son approche, d’une variété et d’une originalité certaine, la musique d’Alec K. Redfearn renonce volontairement à une diffusion massive sur les radios commerciales, fait le choix de l’avant-garde et de l’expérimentation et déploie une grande palette de nuances émotionnelles qui en font un itinéraire incontournable pour tous les curieux qui voient en la musique une façon d’élever son âme.
Pays: US
Cuneiform Records RUNE 344 / Mandaï Distribution
Sortie: 2012/09/25