TIR NA NÓG – Tír na nÓg
Si votre conception du celtisme se limite à l’image de rouquins bourrés à la Guinness beuglant des chants de supporters de foot dans un pub enfumé après la sortie de l’usine ou du bureau de chômage, vous devriez oublier ces mauvaises idées héritées de l’écoute abusive d’albums des Dropkick Murphys et vous tourner vers le vrai celtisme, incarné par le groupe Tír na nÓg (avec un gros o et un accent dessus, gaélique oblige).
Formé à Dublin fin 1969 par Leo O’Kelly et Sonny Condell (tous deux guitaristes et chanteurs), Tír na nÓg tire son nom d’une légende celte, qui parle de la terre de l’éternelle jeunesse, chère au mythe de Oisin et Niamh aux cheveux d’or (un truc que Peter Jackson pourrait exploiter au cinéma quand il en aura fini avec ses films de hobbits). Les deux musiciens décident rapidement de quitter leur Irlande natale pour aller tenter leur chance à Londres, où tous les espoirs sont permis. Ils y arrivent en mai 1970 et il leur faut à peine une journée pour trouver un gîte où dormir, rencontrer des personnes qui leur permettent déjà de faire quelques enregistrements et être engagés pour un week-end de concerts au pub The Bell, situé Petticoat Lane, en plein cœur de Londres.
La chance continue de sourire au duo irlandais lorsqu’il démarche le label Chrysalis, qui accepte de le signer sans broncher. Le fameux label, dont les disques sont désormais aussi cotés que ceux du label Vertigo, dépêche un certain Mike Batt pour produire le premier single de Tír na nÓg. « I am happy to be (on this mountain)/Let my love grow » sort en mai 1971 et annonce un premier album qui est enregistré dans la foulée aux studios de High Barnet, sous la houlette de Bill Leader, un producteur spécialiste de la scène revival folk anglaise. Ce premier single, auparavant inédit en CD, constitue les titres bonus de la réédition qui vient d’être lancée par le label Esoteric Recordings.
L’album éponyme de Tír na nÓg qui sort au début de l’été 1971 est tout simplement un des plus extraordinaires qui ait été enregistré dans le genre folk britannique. La grâce des compositions, la sensibilité à fleur de peau, la finesse des guitares et l’angélisme du chant sont une pure merveille pour qui apprécie le folk classique des années 70 anglaises. « Time is like a promise » ouvre l’album et constituera pour longtemps le pilier des shows de Tír na nÓg, qui part en tournée en ouverture de groupes aussi divers que les Who, Hawkwind, Fairport Convention ou Roxy Music pour promouvoir son album.
Nostalgie et mal du pays (« Boat song », « Piccadilly »), légendes du folklore irlandais (« Tír na nÓg »), chansons d’amour (« Daisy lady », « Looking up ») parcourent cet album touchant et gracieux de bout en bout. On touche notamment le sommet avec « Our love will not decay », superbe composition triste aux ambiances médiévales qui arrête tout : l’effervescence de la vie moderne, le stress, la pollution, la crise économique et les nuisances sonores du voisin disparaissent subitement, ne laissant qu’une onde pure, rassurante et apaisante.
Cet album, seuls les Européens en profitent car aucune édition américaine n’est envisagée, les musiciens de Tír na nÓg n’étant pas parvenus à accepter une reprise d’un titre de Bob Dylan proposée par leur label, et qui aurait été mis en exergue dans le pressage américain de leur premier album. Ceci n’obère en aucun cas la progression de Tír na nÓg vers l’excellence, puisque ce dernier est déjà prêt à sortir un deuxième album dès 1972. Mais ceci est pour une autre chronique.
Pays: IE
Esoteric Recordings ECLEC 2357
Sortie: 2012/10/29 (réédition, original 1971)
