GOLIGHTLY, Holly & THE BROKEOFFS – Sunday run me over
Holly Golightly a beau être Anglaise, son âme musicale est résolument perdue en plein milieu des champs du Tennessee ou dans le désert du Texas. Holly Golightly a beau porter le nom de l’héroïne du livre Breakfast at Tiffany’s de Truman Capote (dont le rôle sera assumé par Audrey Hepburn dans le film du même nom), elle n’en veut pas à ses parents qui l’ont affublée d’une telle appellation. Elle vit très bien cette condition de personnage de roman et se consacre depuis une vingtaine d’années à la musique mais pas n’importe laquelle : le garage rock dépouillé et le rhythm ‘n’ blues qui gratte.
Holly Golightly commence à chanter dans les années 1990 au sein du mythique groupe garage anglais Thee Headcoats, où le leader Billy Childish la transfère dans Thee Heacoatees, backing band féminin des Headcoats masculins. Menant parallèlement une carrière solo, Holly Golightly sort une douzaine d’albums de garage et R’n’B truffés de sonorités sixties, ce qui la place à un moment sur le chemin des White Stripes avec lesquels elle collabore. On peut également entendre Holly chanter sur la bande-son du film Broken flowers (2005), dont l’impayable Bill Murray est le héros.
Toujours avide d’expériences musicales et de projets parallèles, Holly Golightly monte également dans les années 2000 une association de malfaiteurs avec son complice Lawyer Dave, un barbudo épais qu’on aurait bien imaginé dans les années 60 au sein du Band ou dans les westerns de Sam Peckinpah. C’est sous l’appellation Holly Golightly & The Brokeoffs qu’elle commet quelques galettes traditionnelles à base de country, rock ‘n’ roll et garage. Cinq albums et un EP sortent ainsi entre 2007 et 2012 : « You Can’t Buy a Gun When You’re Crying » (2007), « Dirt Don’t Hurt » (2008), « Devil Do » (2009), « Medicine County » (2010) et « No Help Coming » (2011), auxquels il faut ajouter maintenant ce « Sunday run me over » tout frais sorti des granges.
Cet album donne sans vergogne dans le roots le plus assumé, baignant dans une marmite de country blues épuré et crasseux. Le son minimaliste et la rythmique de chacal enragé du premier morceau « Goddamn holy roll » refile immédiatement la trique. On croirait que Johnny Cash est sorti de la tombe pour faire le bœuf avec Keith Richards et un Jesse Hughes des Eagles Of Death Metal servant le café dans le studio. On peut presque toucher l’ambiance de saloon déglingué, sentir le shérif corrompu en plein pugilat avec des distillateurs clandestins décalqués au Jack Daniel’s de contrebande. « They say » prend des allures d’incantation chamanique, vrillé par une guitare brinquebalante et un rythme digne de l’attente insoutenable du règlement de comptes final dans Le train sifflera trois fois. Le temps de se débarrasser de quelques crotales et on doit faire face au braillard et racoleur « Tank », blues teigneux lancé à la vitesse d’une diligence poursuivie par les desperados du coin.
Mais c’est au moment où on commençait à se frotter les mains à l’idée de se farcir un disque de blues garage graisseux et chaud d’un bout à l’autre que la ballade mielleuse « I forgot more » vient siffler la fin de la récréation. Holly et Dave enchaînent alors sur une vitesse de croisière et se mettent en enquiller les bluettes country comme la gamine de votre voisin se tape des glaces à la pistache le dimanche après-midi en regardant des dessins animés idiots à la télé. Le shérif corrompu qui faisait le coup de poing sur les premiers titres est tombé amoureux de la danseuse du saloon et hurle maintenant à la lune en se répandant dans un romantisme sirupeux indigne d’un voyou de sa trempe. Ce n’est qu’après avoir traversé un désert peuplé de plouqueries innocentes (« Turn around ») ou de beugleries de banquet (« One for the road ») que l’on revient à un niveau un peu plus énergique ou inspiré avec le lent et habité « Hand in hand », le chaloupé et triste « Goodnight » et le binaire pouilleux « This shit is gold ».
On l’aura compris, les propos restent classiques car complètement impliqués dans un country blues des ancêtres qui se personnalise de temps à autre grâce au chant nasillard de Holly Golightly et les élucubrations guitaristiques de Lawyer Dave. Mais le ventre mou que constitue le milieu de l‘album empêche une adhésion totale au concept, sans retirer toutefois la sympathie bien légitime qu’il faut porter à cet album, pas tellement révolutionnaire mais fait avec le cœur.
Pays: GB
Transdreamer TR-20121-CD
Sortie: 2012/10/29