SPYLOWN – Depth
Il faut définitivement arrêter de croire que la Suisse est un pays paisible, environné de joyeuses montagnes où des bergers hilares jouent du cor alpin et où des vaches peintes en mauve regardent passer des trains express. La Suisse est aussi une terre de sidérurgie musicale où sévissent des combos hargneux et intrépides. On a déjà eu affaire dans ces pages aux maniaques hardcore de Yog et aux savants fous de dQtç. Voici maintenant les bouchers serial killers de Spylown, des types avec qui il vaut mieux discuter avec une bonne paire de boules Quiès dans les oreilles, parce que ça fait un peu de bruit…
Spylown vient au monde un jour de septembre 2003, quand Toma (batterie) et Greg (guitare) ressortent des ruines fumantes de leur précédent groupe Brain Damage. Pressés de commettre un méfait à tout prix, les deux lascars embauchent Nico (guitare), Soli (basse), Faf (chant) et sortent une première démo de trois titres sous le nom de « Assez » en décembre de la même année.
Après un premier album « BronckX » en 2005, Spylown connaît un premier mouvement de personnel avec l’arrivée de Serge qui remplace Nico à la guitare. Ledit Serge ne reste que durant l’année 2006, période où le groupe commence à répandre la terreur sonore dans les petits clubs de la riante Suisse romande. Son départ est suivi de celui de Faf, qui trouve un successeur en la personne d’Axel.
Le circuit des concerts se poursuit durant les années qui suivent, et c’est finalement Josué qui reprend le chant en août 2009. Spylown est désormais prêt pour la composition d’un deuxième album, qui sort en Suisse en 2011 et trouve ces temps-ci une voie de distribution dans le reste de l’Europe non helvétique.
Pour approcher la musique de Spylown, on va se baser sur la pochette de l’album « Depth », qui représente un cuirassé de la Seconde Guerre mondiale faisant feu de tous ses canons. Le bruit provoqué par le navire reproduit parfaitement ce que Spylown fait en studio. Et la salve d’obus de 300 mm qui s’abat sur un bunker allemand en Normandie ou une casemate japonaise d’un archipel du Pacifique représente le deuxième effet de la musique de Spylown : il n’y a plus rien après. La chaîne hi-fi a fondu, les tympans ont été évaporés ou la rame de métro dans laquelle l’auditeur actionnait son MP3 a disparu dans le néant.
Spylown joue en effet un punk hardcore d’obédience crust (c’est-à-dire presque aussi brutal que du grindcore et avec un chant proche du death metal) avec une violence inouïe. Les deux premières minutes du titre d’ouverture « Pentagrammic antiprism » semblent laisser l’auditeur dans le doute : il ne se passe rien, juste un frottement lointain de cordes de guitare compressée. On s’attend à de l’expérimental abscons jusqu’à ce que, après deux minutes, le feu nucléaire se déclenche. Et là, c’est parti pour douze titres d’apocalypse virulente, d’écrasement par des régiments de titans recouverts d’armures de fonte. La technique de Spylown est simple : chant hurlé dévastant les cordes vocales, guitares compressées à mort triturant des riffs courts et malsains, changements de breaks qui contribuent à l’atmosphère complexe et étouffante des morceaux. À côté de ça, Gojira passe pour une chorale de moines cancéreux reprenant du Charles Trénet.
Là où les Suisses ne manquent pas d’humour, c’est quand ils insèrent une image de canard en plastique ou d’une loutre dans la photo centrale du CD, représentant un navire de guerre en flammes lors de l’attaque de Pearl Harbor. Il paraît qu’on surnomme les musiciens de Spylown les loutres. Mais des loutres pareilles, je vous déconseille de les laisser approcher de votre barque.
Pays: CH
Heimathome 010
Sortie: 2012/09/04