JEFFERSON STARSHIP – Roswell UFO Festival 2009
Lorsque Jorma Kaukonen et Jack Casady quittent le Jefferson Airplane pour aller former Hot Tuna en 1972, les membres restants de l’Airplane reconvertissent leur avion en vaisseau spatial et c’est ainsi que naît le Jefferson Starship en 1974. Ce changement de nom peut signifier plusieurs choses : développement technique avec une musique qui va être davantage progressive, volonté de s’élever plus haut dans les airs grâce au space rock, ou tout simplement nouveau chapitre dans la grande saga lancée en 1965 par Marty Balin, Paul Kantner et Grace Slick. C’est d’ailleurs lorsque cette dernière sort son album solo « Manhole » en 1973 que ses camarades choisissent le nom de Jefferson Starship pour l’accompagner.
Le Jefferson Starship va être une figure centrale du rock progressif et AOR américain durant les années 70 et 80, égrenant une série d’albums baladés entre west coast, expérimentations space rock ou retour aux valeurs country et folk. Les albums « Dragon fly » (1974), « Red octopus » (1975), « Spitfire » (1976), « Earth » (1978), « Freedom at point zero » (1979), « Modern times » (1981), « Winds of change » (1983) ou « Nuclear furniture » (1984) sont là pour témoigner d’une discographie fournie, le plus souvent récompensée par de beaux classements dans les charts américains. Albums nombreux, mais aussi personnel pléthorique qui est allé et venu dans les rangs du Jefferson Starship au cours du temps. Le changement le plus significatif est le départ en 1978 de Marty Balin et Grace Slick, piliers de la formation. Le dernier fondateur Paul Kantner s’en va aussi en 1984 et le reste du groupe se rebaptise simplement Starship, pour d’autres albums jusqu’en 1990, date de séparation définitive du groupe.
Peu de temps après, Paul Kantner ressuscite son Jefferson Starship, qui coexiste avec la reformation d’un autre Starship refondé par le chanteur Mickey Thomas. Le Jefferson Starship historique sort de nouveaux albums dont le dernier en date, « Jefferson’s tree of liberty » (2008) est suivi d’un vaste concert donné en 2009 au festival de Roswell, objet du présent album.
Alors, bilan des courses : qui trouve-t-on dans ce Jefferson Starship après tant d’années ? Bien évidemment le patriarche Paul Kantner, 70 ans, qui tient sur ses épaules non seulement toute l’histoire de Jefferson Starship mais aussi celle de Jefferson Airplane. À ses côtés, David Freiberg, autre légende, fondateur de Quicksilver Messenger Service et qui accompagna Paul Kantner et Grace Slick sur leurs divers albums solos. On trouve aussi Cathy Richardson (chant, chargée de la difficile succession de Grace Slick), Chris Smith (claviers), Donny Baldwin (batterie) et Slick Aguilar (guitare). À l’occasion de l’enregistrement du concert de Roswell en 2009, le groupe a présenté sur scène une série d’invités : Pete Sears (bassiste ayant officié sur de nombreux albums de Rod Stewart), Barry Sless (guitariste recherché pour son expertise de la pedal steel), Tom Constanten (piano, ex-Grateful dead), Darby Gould (chant, une ancienne du Jefferson Starship) et Jack Traylor (guitare et chant, un vieux compagnon des albums solo de Paul Kantner).
Tout cela est bien dense et chargé de signification et le devient encore plus face au CD qui retrace ce show donné le 3 juillet 2009 à Roswell, lieu resté célèbre pour être l’endroit supposé d’un crash de soucoupe volante en 1947, un mystère toujours jalousement gardé par l’armée américaine qui y aurait trouvé des cadavres de petits hommes verts. Ce « Roswell UFO Festival 2009 » n’est pas un CD simple mais un quadruple CD qui renferme, tenez-vous bien, un premier CD de répétitions quelques jours avant le festival, deux CD retraçant les deux sets donnés le même jour et un dernier CD reproduisant le sound check avant le concert. Cet objet qui ravira les fans de Jefferson Starship pourrait écœurer les autres, tant la masse d’informations présentes au sein de ce mini-coffret est gigantesque et, il faut l’admettre, superflue pour une bonne part. Les CD des répétitions et de la balance restent fondamentalement de la cuisine interne de très peu d’intérêt. Vous voyez les roadies qui préparent la scène avant les concerts ? « One two, one two, check check » et autres formules magiques qui servent à vérifier que le son est en place et que les instruments sont accordés ? Eh bien, il y a deux CD entiers de ces morceaux commencés et pas finis, hésitants, entrecoupés de dialogues entre les musiciens et la technique (« Eh Freddie, remets-moi un peu plus de guitare sur mon retour, j’entends rien »).
On passera donc sur ces documents sonores uniquement destinés aux maniaques du Jefferson Starship pour se concentrer sur les CD 2 et 3, qui retracent deux shows donnés le même jour. Le premier est assez planant et le second est beaucoup plus rock, il y en a pour tous les goûts. Jefferson Starship se paie même le luxe de fournir deux set-lists radicalement différentes d’un show à l’autre. La première partie du premier show est essentiellement folk, avec des reprises de « Urban spaceman » (Bonzo Dog Doo-Dah Band), « The eggplant that ate Chicago » (Dr. West’s Medicine Show and Junk Band), « Mountains of the Moon » (Grateful Dead), « This land is your land » (Woody Guthrie), « Me & my uncle » (Grateful Dead) ou « Billy the Kid » (Woody Guthrie). Le groupe entame alors un « Crown of creation » de l’époque Jefferson Airplane avant d’interpréter quelques titres du dernier album « Jefferson’s tree of liberty », ainsi que quelques autres chansons moins connues de Jefferson Airplane (« Lawman », « Wooden ships ») et des morceaux en provenance d’albums solos de Paul Kantner et Grace Slick (« Sunfighter », 1971 ; « Baron von Tollbooth and the chrome nun »,1973).
Le second show est plus convaincant, plus cohérent, avec la crème du répertoire airplanien (« Have you seen the saucers? », « Somebody to love », « White Rabbit », « Volunteers », on ne présente plus) et des interprétations magistrales de reprises de David Bowie (« Space oddity »), Pink Floyd (« Brain damage », « Eclipse ») plus un magnifique « Dark star » du Grateful Dead. Cathy Richardson s’insinue à l’aise dans les pantoufles de Grace Slick avec un chant affirmé proche de la chanteuse originale de Jefferson Starship. Le tout est environné de la magie et de la joie de jouer des musiciens sur scène et on en vient à regretter de ne pas avoir vu ce show en plein désert, avec le fantôme des petits martiens de Roswell pour l’aspect science-fictionnesque des choses.
« Roswell UFO Festival 2009 » est donc une excellente clé pour ouvrir la porte de l’œuvre conséquente et légendaire de la paire Jefferson Airplane – Jefferson Starship. Le choix du groupe d’avoir tout mis, y compris les répétitions, est un peu discutable mais il reste deux shows magnifiques qui régaleront les amateurs de rock psychédélique et progressif et tous ceux qui vouent une légitime admiration à la nébuleuse Jefferson Airplane.
Pays: US
Gonzo Multimedia HST051 CD
Sortie: 2012/07/02