EIFFEL – Foule Monstre
Depuis le sabordage (attendu) de Noir Désir, le flambeau du rock français contestataire est passé entre les mains de leurs voisins bordelais Eiffel. À vrai dire, il ne s’agit pas vraiment d’une surprise tant le respect qui lie Bertrand Cantat à Romain Humeau se veut mutuel et appuyé (le retour de Cantat, aussi bien en studio que sur scène, s’est passé dans l’univers d’Eiffel). Cela est d’autant plus vrai depuis 2009 lorsque ces derniers ont composé « À Tout Moment La Rue », un titre puissant devenu depuis leur marque de fabrique tout en leur assurant une réelle popularité, trois albums après leurs débuts fin des années 90.
Ceci dit, la mise en boîte de « Foule Monstre », leur cinquième plaque, n’a pas suivi un cheminement calme et tranquille, malgré le fait que sa genèse remonte aux débuts de la tournée promotionnelle du disque précédent. En effet, des événements tragiques dans leur environnement proche ont certes semé le trouble et le doute mais ont sans doute dans le même temps reboosté la plume de Romain Humeau, plus que jamais la tête pensante du groupe.
Sous une pochette parsemée de cartoons à la Gorillaz, c’est avec une plage d’intro imparable que le quatuor fait son come back. « Place De Mon Cœur » est non seulement un single d’une redoutable efficacité mais risque bien de devenir rapidement un hymne lors des futurs concerts. La voix du chanteur, parfaitement dosée entre rage et douceur contenue, n’a peut-être jamais été aussi équilibrée, comme le démontrent également « Le Même Train » et « Libre », dont les arrangements pop (mais pas trop) font des merveilles aux côtés des guitares propres au rock indépendant.
Parsemés de références à l’actualité, les textes se déclament sur des environnements mélodiques parfois à mille lieues les uns des autres. Ainsi, au particulièrement musclé « Frères Ennemis » succède le très envoûtant et construit en crescendo « Chanson Trouée » (sans doute, avec « Chamade », une des plus belles plages de l’album) sur lequel la voix du leader donne au final toute sa puissance. Au même titre d’ailleurs que les deux collaborations qui voient d’abord Phoebe Killdeer (une collaboratrice de Nouvelle Vague et de Basement Jaxx), agrémenter « Chaos Of Myself » avant que l’incontournable Bertrand Cantat n’apporte une plus-value significative au caractéristique « Lust Of Powder ».
Finalement, que ce soit dans leur langue maternelle, en anglais ou en espagnol, Eiffel convainc, même sur le surprenant « Puerta Del Angel », que l’on pourrait comparer à du dEUS aux relents hispaniques. La bonne nouvelle, c’est que les gaillards d’Eiffel ont clairement pris conscience de leurs possibilités. Ils pourraient même bien avoir enregistré l’album de la maturité. Et pas seulement parce que la voie semble désormais libre…
Pays: FR
PIAS Recordings France PIASF207
Sortie: 2012/09/03