GOJIRA – L’enfant sauvage
Après avoir époustouflé le monde du heavy metal avec ses albums « From Mars to Sirius » (2005) et « The way of all flesh » (2008), les Français de Gojira étaient attendus au tournant comme le pape dans une ruelle du Vatican. La communauté métallique surtout intéressée par le death metal technique, le doom habité d’une âme profonde et le mathcore aussi étouffant qu’un hammam perdu au cœur de la forêt tropicale se demandait en effet avec angoisse comment les frères Duplantier et leurs séides allaient placer la barre encore plus haute que le niveau insensé auquel ils étaient arrivés avec leur troisième et quatrième album.
Le suspense est insoutenable, je le sens à vos palpitations cardiaques. « L’enfant sauvage », nouvel album de Gojira, est-il meilleur, aussi bon, moins bon que ses glorieux prédécesseurs ? Je vous ferais une réponse de Normand, bien que Gojira soit originaire d’Aquitaine. Le nouveau Gojira est impressionnant, peut-être pas aussi surprenant que ses prédécesseurs mais en tout cas tout à fait digne d’intérêt, et cela pour deux raisons. La première est que le niveau technique et sonore du groupe est toujours aussi fabuleux et que Gojira tire de ses amplis de quoi coller un bombardier quadrimoteur au plafond rien que par la puissance du volume sonore. Les riffs faramineux, sidérurgiques en diable, décortiquent les cervelles et aplatissent tout sur leur passage. La seconde raison est que Gojira a évolué, ajouté plus de mélodies dans ses propos, construit davantage de structures où la musique parvient à déambuler et semer des ambiances relativement plus variées.
Mais il faut admettre que l’effet de surprise est désormais inopérant et que les fans qui suivent le groupe depuis ses débuts sont ici placés devant un choix : continuer la vénération ou s’en défaire. Certaines critiques pointent déjà du doigt ce nouvel album, le trouvant décevant. Ces critiques propagent le même esprit que celui qu’on trouvait dans les années 80, lorsque certains pensaient que le huitième ou le neuvième album d’AC/DC ou de Motörhead était un peu décevant parce qu’il explorait à nouveau les mêmes idées musicales. Mais c’est précisément parce que ces groupes avaient inventé ou réinventé un style en y apportant une profonde originalité personnelle qu’ils étaient obligés de creuser toutes les voies qu’ils avaient ouvertes. Je vous rappellerai aussi qu’à une certaine époque, on avait critiqué sévèrement l’album « Presence » de Led Zeppelin. Or, qui oserait aujourd’hui soulever le moindre doute sur la brillance musicale du Zep ?
Tout cela pour dire que Gojira, par son passé magnifique et l’originalité de sa pensée, possède la plus parfaite légitimité pour creuser et affiner les idées qu’il a contribué à apporter au métal. « L’enfant sauvage » contient certes des éléments qui ont déjà été explorés par Gojira dans ses albums précédents, mais il ne comporte aucune pièce rapportée piquée à un autre groupe. Cet album marque une évolution dans l’œuvre musicale du groupe et des titres comme « Born in winter » peuvent déstabiliser le fan gojirien de la première heure. Mais seul César peut disposer de ce qui lui appartient et des explorateurs métalliques aussi doués et inspirés que Gojira sont les seuls en mesure de préciser la forme que doit revêtir leur œuvre. Gojira fait donc du Gojira, affine les propos, ouvre de nouvelles voies et reste toujours aussi massif et majestueux.
Pays: FR
Roadrunner RR 7651-2
Sortie: 2012/06/25
découvert sur le tard. j’aime bcp l’alternance entre violence et passages plus mélancoliques. vivement une date chez nous!