PORD – Valparaiso
La Lozère est le département le moins peuplé de France. Il y a cependant suffisamment d’habitants là-bas pour former un groupe de rock du nom de Pord en 2002. C’est Sébastien Daudé qui en est le membre historique, puisqu’il est obligé de reconstituer son équipe après le départ du bassiste et du guitariste lors de la sortie du tout premier album, « N’importe où » sorti en septembre 2003. Heureusement, il reste quelques autres habitants en Lozère pour remettre en place une nouvelle mouture de Pord. Ce premier album se veut avant tout assez progressif et il faudra du temps et des hommes pour que Pord trouve enfin sa ligne de conduite définitive.
Après une stabilisation du line-up autour de Sébastien Daudé (batterie et chant), Mike Paulhac (guitare et chant) et Max Quintin (basse), Pord est prêt à retrouver un nouveau souffle. À force de tâtonner, le groupe aboutit logiquement à ce qui le motive le plus : un noise rock puissant et abrasif, un rien expérimental et nerveux. Pord se rapproche de ce fait du style des mythiques Dazzling Killmen, un des premiers groupes de mathcore de l’histoire, des non moins légendaires Unsane (20 ans de postcore et pas un accroc) ou des Suédois de Breach. Les Montpelliérains de Tantrum sont aussi une influence notable chez Pord, on reste entre voisins.
Pord enregistre un EP en 2007 (salué à l’époque par la critique web) et un single partagé avec les Picards de Xnoybis, qui fait également bonne impression dans le milieu underground. Ce milieu est d’ailleurs largement ratissé sur scène par Pord, qui a joué avec une multitude de groupes qui ne termineront jamais le dimanche après-midi chez Michel Drucker : Basement, Lucertulas, Knut, Spinning Heads, Stuntman, Grandizer, Marvin, Pneu, pour n’en citer que quelques-uns.
À l’issue de ces intenses activités, la récompense arrive enfin pour Pord qui a l’occasion de signer son premier album courant 2011 sur plusieurs labels français qui se partagent la distribution. « Valparaiso » franchit enfin la frontière belge quelque temps plus tard, ce qui est une bonne affaire car cet album est excellent. Si l’on apprécie les compositions alambiquées interprétées dans la lourdeur et la puissance, si l’on est sensible au doux grésillement des voix écorchées et hurlées, si l’on s’émeut au subtil bruissement des guitares réglées à la puissance maximale et qui s’abattent sur les oreilles comme l’oiseau de proie sur le frêle lapin, on ouvrira les bras devant ce disque de Pord.
En neuf titres, Pord nous délivre une leçon de sidérurgie angoissée et hargneuse. « Brenda’s sheets », « Cookies and well wishes », « My heroin », « Jouvence de l’abbé Moreau » ou les excellents « Blackout cabanel » et « Sunday girl » promènent l’auditeur entre électricité compressée, divagations rythmiques, paroles crues et vénéneuses, et cet esprit à la fois revendicatif et désespéré. Mention spéciale pour le titre « There aren’t any colors » qui rassemble en quatre minutes toute la puissance dévastatrice et la rage du trio, volubile et imparable sur les tempos hardcore.
Voilà un premier album tout à fait prometteur et parfaitement bien maîtrisé. Les types savent ce qu’ils ont à dire et ne perdent pas de temps en circonlocutions pédantes. Le coup de pied au derrière, ça se donne sans hésitation.
Pays: FR
Plein De Choses Records
Sortie: 2011