TANGERINE DREAM – Le parc
Le label Reactive poursuit ses exhumations des albums qui ont fait la grandeur du rock allemand, avec notamment la publication régulière des œuvres de Tangerine Dream. Le label ira-t-il vers les œuvres complètes ? Étant donné que l’on estime le nombre d’albums studio, live ou de compilations de titres inédits à plus d’une centaine lorsqu’il s’agit de Tangerine Dream, il y a au moins du travail de réédition pour trois générations d’employés dans ce label. Il serait sûrement plus judicieux de se concentrer sur les grandes années de Tangerine Dream, la décennie 70 et une partie des années 80.
Les années 80 sont précisément l’objet de « Le parc », disque sorti en 1985 et qui montrait encore une fois une évolution significative du groupe berlinois dans son parcours musical. Edgar Froese, patron et penseur du groupe, ainsi que ses compagnons Chris Franke et Johannes Schmoelling, ont élaboré « Le parc » sur des bases assez inhabituelles. D’abord, le thème de l’album. Il s’agit d’une dizaine de titres ayant tous un lien avec les parcs célèbres des grandes villes du monde qui ont été visitées par Tangerine Dream au cours de ses nombreuses pérégrinations de tournées. C’est ainsi que les morceaux instrumentaux portent les noms de « Bois de Boulogne (Paris) », « Central Park (New York) », « Tiergarten (Berlin) », « Hyde Park (London) » ou encore « Yellowstone Park (Rocky mountains) ». Tiens, rien sur le Parc du Cinquantenaire ou celui de Woluwe-Saint-Pierre ? Scandaleux !
Ensuite, c’est la durée des morceaux qui est un peu surprenante. Tangerine Dream ne se perd pas ici dans des élaborations fleuves de plusieurs dizaines de minutes mais va à l’essentiel sur trois ou quatre minutes, six maximum, venant presque concurrencer les groupes de punk hardcore sur le terrain du timing. Dans leur contenu, ces morceaux reflètent une orientation typiquement eighties avec des synthétiseurs tous azimuts et une large place laissée à la rythmique. On n’est pas loin de Vangelis et de ses « Chariots de feu » sur un morceau comme « The cliffs of Sydney », par exemple. Et on se retrouve carrément en plein générique de feuilleton télé avec « Le parc (L.A. Streethawk) » qui est précisément une musique écrite pour le feuilleton américain « Streethawk », une série de treize épisodes qui racontaient les aventures d’un justicier en motocyclette, croisement improbable entre Starsky et Hutch et K-2000. Cette plongée dans le kitsch commercial est assez étrange de la part de Tangerine Dream.
Enfin, et c’est ce qui explique peut-être la complaisance du groupe à l’égard des recettes faciles engendrées par les génériques télévisuels, Tangerine Dream est arrivé en 1985 à un certain état de tension entre ses membres. « Le parc » est en effet composé par les trois membres de Tangerine Dream qui travaillent de façon complètement indépendante l’un par rapport à l’autre, dans une ambiance d’incommunicabilité rappelant les conditions dans lesquelles a été élaboré l’album blanc des Beatles. Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas de voir partir Johannes Schmoelling peu après la sortie de cet album, inaugurant ainsi une nouvelle phase dans l’existence de Tangerine Deam, une période de transition pour un groupe qui changera radicalement de visage une fois le départ de Chris Franke confirmé en 1989.
Témoignage de cette époque encore classique mais finissante de Tangerine Dream, « Le parc » n’est pas en soi un mauvais album mais ce n’est certainement pas le meilleur de la formation allemande. Ceux qui veulent entrer dans l’univers de Tangerine Dream en ne connaissant pas encore ce groupe éviteront de commencer leur quête par ce genre l’album et feront un choix plus éclairé en remontant aux grands disques classiques de la première moitié des années 70. « Le parc », c’est pour les initiés.
Pays: DE
Reactive EREACD 1027
Sortie: 2012/04/30 (réédition, original 1985)