BEE AND FLOWER – suspension
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Bee And Flower prend son temps : en douze ans d’existence, voici le troisième album qui daigne tranquillement pointer le bout de son nez et nous emporter dans l’univers particulier de ce groupe new-yorkais désormais installé à Berlin. New York, Berlin : on pense immanquablement au Velvet Underground ou au rock électronique, avec Bowie venant se perdre dans la capitale allemande à la fin des années 70. C’est vrai que le style de Bee And Flower reflète considérablement ces ambiances intellectuelles et névrosées qui firent la grandeur du post-punk new-yorkais ou la splendeur froide du rock cosmique berlinois.
Bee And Flower est un groupe composé de Dana Schechter (basse et chant), Roderick Miller (claviers) et Thomas Fietz (batterie), du moins dans son organisation actuelle. Dana Schechter en est incontestablement la tête pensante ; elle compose, chante, joue de la basse et de la guitare mais occupe également son temps dans l’illustration, l’animation et la production. New York n’était sans doute pas à la mesure de la conception du monde selon Bee And Flower car le groupe s’est relocalisé à Berlin il y a quelques années.
Côté albums, nous disions que Bee And Flower n’était pas pressé de pondre et n’avait aucune ambition de battre le niveau de production discographique de Frank Zappa ou des Allman Brothers. Son premier album « What’s mine is yours » sort en 2003 et installe immédiatement le style de Bee and Flower, une pop langoureuse et rêveuse, jouée à la vitesse d’un escargot rhumatisant. La voix de Dana Schechter hante immanquablement les esprits avec son aspect diaphane et évocateur. Sur « Light sight of land » (2007), on trouve davantage d’énergie, un peu plus de rythme et finalement, ce nouveau « Suspension » qui sort cette année associe les enseignements des deux disques précédents en une synthèse alliant onirisme lent et force contrôlée.
L’album est produit par Ingo Krauss aux Candy Bomber Studios de Berlin et met en lice un régiment de musiciens invités. Lynn Wright (une ancienne membre du groupe) est à la guitare sur les trois quarts des morceaux et participe à la composition de « You’re not the sun » avec Dana Schechter, qui revendique les crédits de toutes les autres chansons. Les instrumentistes qui officient à la contrebasse, violon, trompette, marimba, vibraphone ou violoncelle révèlent la très grande subtilité des titres de cet album. L’auditeur est promené le long de circuits cabossés par la mélancolie du groupe, ralentis par un onirisme neurasthénique et engloutis par une tristesse que l’on pourra qualifier sans honte de blues futuriste. La voix fantomatique et grave de Dana Schechter vient faire penser à PJ Harvey dans ses moments les plus recueillis.
Cet album très touchant et reposant est à conseiller en priorité aux convalescents, aux romantiques et à tous ceux qui veulent rêvasser au rythme d’une poésie sensible et profonde.
Pays: US
Cheap Satanism CHEAP666/012
Sortie: 2012/04/30