MESSER, Michael – National Avenue
Les maniaques du Delta blues vont pouvoir se réjouir : l’album « National Avenue » de Michael Messer est réédité. Ceux qui cherchaient désespérément depuis plus de quinze ans ce disque édité en 1996 uniquement en Grande-Bretagne et à 300 exemplaires vont enfin cesser de se réveiller en pleine nuit, tout en sueur et se lamentant de ne pas encore posséder cette merveille de la guitare slide.
Car Michael Messer est un maître de la slide, de la catégorie des Duane Allman ou Ry Cooder. Aussi américain que vous et moi, il est en fait né en Grande-Bretagne en 1956, bien loin en temps et en lieu de l’épicentre qui donna les plus grands artistes blues de l’histoire. Qu’importe, le jeune Messer débarque à Nashville dès la fin des années 70 pour gober jusqu’à la lie la substance du blues distillée par les plus grands. Il voit sur scène tous les gros pontes du blues du Delta, y compris Johnny Cash. Messer revient dans son Middlesex natal avec dans les doigts la maîtrise de la guitare slide et dans son cœur tous les mystères du Delta du Mississippi.
Durant les années 80, Michael Messer sillonne les routes anglaises en compagnie de Mike Cooper, un chanteur blues anglais qui le fait jouer sur son album « The continuous preaching blues » en 1984. Le premier album de Michael Messer en tant que boss du Michael Messer Band sort en 1987 : « Diving duck » est le premier coup de semonce qui fait comprendre aux critiques que quelque chose se passe à nouveau du côté du blues anglais. Avec son deuxième album en 1990, « Slide dance », Michael Messer décroche le titre de meilleur artiste blues acoustique attribué par la BBC. Suivent « Rhythm Oil » (1993), dont les notes de couverture sont écrites par Johnny Cash, un honneur dont seuls Bob Dylan et Kris Kristofferson peuvent s’enorgueillir, et « Moonbeat » (1995), qui associe musique du monde et blues.
Dans la discographie de Michael Messer, « National Avenue » occupe une place à part. Le disque sort en 1996 mais est très vite retiré du catalogue. Seules 300 copies seront écoulées sur le marché anglais. Autrement dit, la réédition effectuée ici par le label Blues Boulevard doit être accueillie comme le Messie. Avec cet album, les routes flamboyantes de la guitare slide s’ouvrent à nous. En une dizaine de titres, Michael Messer nous jette sur le bateau à vapeur qui remonte le Mississippi et fait défiler toutes les figures familières qui hantent le paysage blues. Le navire met la gomme pour s’arracher des rives boueuses avec « King guitar », au rythme soutenu et qui passe en revue les grands noms de la guitare blues. Une fois en route, les machines impriment un rythme de croisière qui va dérouler de petites merveilles tout en lait et en miel, intitulées « Step right up », « Living in rhythm » ou une excellente version de « Rollin’ ‘n’ tumblin' » complètement roots.
Le navire qui nous emmène sait aussi tourner au ralenti et le capitaine Messer impose alors au voyage d’envoûtantes ambiances imprégnées d’une irréfutable authenticité (« Crow blues », « Language of the blues », « Moonbeat »). On croit apercevoir sur les rives du fleuve ces vieux songsters qui jouaient sur une guitare bricolée en tapant du pied pour faire le rythme, brouillant leur voix de rasades de whisky. Les fantômes de Charlie Patton et Robert Johnson ne sont pas loin avec Michael Messer. La fin de la croisière s’enlise dans du rythme lent et de la guitare minimaliste (« Robert Johnson’s wake », un « Tailfeather blues » aux hululements hawaïens). Les voyageurs sont fauchés, il ne leur reste plus que le blues pour pleurer.
Cet album est la meilleure porte d’entrée pour découvrir le monde et la technique du blues selon Michael Messer, qui est bien sûr toujours actif et dont les albums « Second mind » (2002) ou « Lucky charms » (2006) font aussi excellente figure dans les bonnes discothèques blues.
Pays: GB
Blues Boulevard 250302
Sortie: 2012/03/15 (réédition, original 1996)