COLOSSEUM II – Strange new flesh
Qui dit Colosseum II se doute qu’il y a eu un premier Colosseum et ce Colosseum est indissociable de la personnalité du batteur Jon Hiseman, qui a tout fondé. Jon Hiseman vient de la rude école du blues rock où il a fait ses classes chez Graham Bond et John Mayall à la fin des années 60. C’est en avril 1968 que Jon Hiseman fonde Colosseum, un groupe qui va écrire les bases originelles de ce qui sera le jazz-rock et le progressif. Colosseum se compose de membres qui sont aujourd’hui légendaires : le saxophoniste Dick Heckstall-Smith (1934-2004), le bassiste Tony Reeves (ex-John Mayall, futur Curved Air), l’organiste Dave Greenslade (qui formera un groupe portant son nom) et le guitariste Jim Litherland (futur Mogul Thrash, futur Bandit). Colosseum sort trois albums studios entre 1969 et 1970, plus un live en 1971. Notamment, l’album « Valentyne suite » de 1969 sera le premier disque du mythique label Vertigo.
Colosseum joue un jazz-rock progressif bluesy qui ne dédaigne pas non plus le gros son, aux frontières du heavy rock. Jon Hiseman met fin à cette première incarnation de Colosseum en 1972, pour tenter de nouvelles expériences plus hard rock progressif avec Tempest, un super-groupe qui faisait intervenir des membres des groupes Patto (le guitariste Ollie Halsall), Uriah Heep (le bassiste Mark Clarke, également présent sur le dernier album de Colosseum) et Juicy Lucy (le chanteur Paul Williams). Deux excellents albums sortent de cette collaboration : « Tempest » (1974) et « Living in fear » (1974).
Finalement, Jon Hiseman remonte une nouvelle version de Colosseum en 1975, qu’il baptise Colosseum II. Ici encore, ce sont des grosses têtes du rock britannique qui vont participer aux travaux. À la guitare, le surdoué Gary Moore qui ressort d’un petit séjour chez Thin Lizzy (où il était allé donner un coup de main à son pote Phil Lynott suite au départ du premier guitariste Eric Bell). À la basse, Neil Murray (un homme qui a joué avec quantité de groupes, comme membre titulaire ou musicien de session : Whitesnake, Black Sabbath, National Health, Brian May Band, Fastway, Cozy Powell, Jon Lord, Gary Moore, la liste est interminable). Aux claviers, Don Airey (un musicien qui a joué aussi avec tout le monde, sauf dans le groupe de mon beau-frère : Babe Ruth, Black Sabbath, Michael Schenker Group, Ozzy Osbourne, Rainbow, Gary Moore, Thin Lizzy, Whitesnake et plus récemment Deep Purple). Au chant, Mike Starrs (futur Animals, futur Lucifer’s Friend, et qui ne restera dans Colosseum II que le temps du premier album).
Il faut bien appeler les choses comme elles sont, Colosseum II est un super-groupe qui associe des talents phénoménaux rassemblés ici pour le plaisir de la technique musicale et de la performance époustouflante. Néanmoins, le groupe saura mettre beaucoup d’émotion dans sa musique et sortira trois albums convaincants et dignes d’écoute : « Strange new flesh » (1976), « Electric savage » (1977) et « War dance » (1977). C’est du premier album dont il s’agit ici, avec une réédition en provenance du label Esoteric Recordings qui publie cet album en deux CD, avec inclusion d’un nombre impressionnant de bonus.
En effet, lorsque Colosseum II est entré en studio début 1976 pour enregistrer les six titres de « Strange new flesh », il avait déjà eu l’occasion d’enregistrer des démos aux studios Roundhouse de Londres en août 1975. Après la sortie de l’album en avril 1976, Colosseum II enregistrera d’autres démos dans les mêmes studios en juillet 1976, afin de préparer le deuxième album (certains titres de ces démos figureront d’ailleurs sur « Electric savage » qui sort en juin 1977). La réédition Esoteric regroupe ainsi l’album « Strange new flesh » et ces deux sessions de démos, qui vont permettre de découvrir ou redécouvrir toute la force du talent de Colosseum II.
Côté musique, on a affaire à un rock progressif aux fortes intonations jazz-rock et fusion, avec de brillantes parties de guitare signées Gary Moore (toujours aussi magnifique, à l’aise dans tous les registres) et des interventions de batterie qui laissent pantois. La section rythmique élastique tisse des trames souples et denses, dignes d’adoration. Le groupe joue fort, ce qui autorise un classement de Colosseum II dans la catégorie heavy rock progressif, un tiroir fascinant de la grande armoire du rock. On remarquera notamment parmi les meilleurs morceaux le rapide et énervé « Dark side of the Moog » (joli jeu de mots), un « Gemini and Leo » très funky, le primesautier et impérial « Secret place » et le jeu de guitare monstrueux qui illumine « Winds ».
Chez les bonus, l’improvisation « Gary’s lament » et le boogie rock « Walking in the park » sont des tours de force extraordinaires. Le deuxième CD présente les versions préparatoires de trois titres de l’album « Electric savage » : « Rivers », « The scorch » et « Intergalactic slut » (qui sera rebaptisé « Intergalactic strut » sur l’album pour des raisons de décence). « Castles » est décliné en deux versions et finira quant à lui sur le troisième album « War dance ». Les autres titres sont totalement inédits et on se félicite qu’ils sortent enfin au grand jour. Ceux qui avaient l’édition Castle de 2005 connaissent déjà, mais les autres doivent absolument franchir le pas pour découvrir le hard progressif technique et direct de Colosseum II.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 22315
Sortie: 2012/02/27 (réédition, original 1976)