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ROLAND, Paul – Masque

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Paul Roland avait réalisé l’année passée l’excellent « Grimm », album acoustique intimiste tout empreint de délicatesse et de personnalité. À la tête d’un impressionnant catalogue discographique et d’ouvrages édités en tant que journaliste et auteur, cet anglais trop discret installé en Allemagne depuis 5 ans voit aujourd’hui un de ses albums réédité, agrémenté de 5 bonus tracks.

Initialement publié en 1990, « Masque » révèle un autre aspect de Paul Roland, plus électrique mais sans mettre de côté la dimension acoustique, plus dans le registre d’un Al Stewart. Il fait aussi parfois penser à un prototype de Phideaux dans la structure mélodique et dans le timbre vocal. Des orgues, du clavecin, des violons, un trombone, du violoncelle, du hautbois, de la clarinette et de la flûte viennent habiller avec délicatesse et subtilité le folk rock intemporel de Paul Roland. Si « Dr Syn is riding again » confirme que notre artiste joue dans la cour d’Al Stewart, « Pharaoh » propose immédiatement cet art personnel de la mélodie, ici sur un rythme paresseux, avec une instrumentation sobre d’une classe inouïe. À l’époque de la sortie de cet album, Les Inrockuptibles baptisent Paul Roland « le Lord Byron de la pop fétichiste » (cfr « Candy says ») alors même que le magazine musical « Le Monde de la Musique » précise que Paul Roland « dit, en quelques accords de guitare acoustique, le grain impalpable des instants qui vous arrêtent au seuil de quelque chose d’éternel », une belle expression qu’illustrent bien « The ratcatcher’s daughter » ou « The sea Captain ».

Et dire que les premières inspirations musicales de Paul Roland viennent du glamrock, style qu’il affectionnait dans sa jeunesse autour des années 1973. D’ailleurs, notre homme a publié en 1992 un album intitulé « Strychnine » dans le quel il reprenait des standards de Kevin Ayers, Souxie and the Banshees, Marc Bolan, Donovan, Electric Prunes, The Sonics ou encore du Velvet Underground. Quand on sait que la strychnine est un alcaloïde très toxique, qui, à de très faibles concentrations, est utilisé comme stimulant et qu’il constitue le poison classique dans la lutte contre les corbeaux et les petits rongeurs, on perçoit tout de suite l’humour au 2e ou 3e degré de notre artiste. Et l’on se dit qu’un tel esprit ne peut rester cloisonné dans un style et se doit de s’échapper vers une multitude d’horizons indispensables à nourrir une personnalité aussi intéressante et probablement géniale. Paul Roland va du reste éditer très prochainement une biographie définitive de Marc Bolan.

« Masque » contient ces pépites intelligentes et malignes qui vous séduisent aussi parce que vous sentez très vite que vous êtes en présence d’un artiste supérieur mais pas vraiment rock star, intègre et ironique, un observateur acéré de l’espèce humaine et un conteur hors pair, un poète aussi. Tout l’humour subtil et tellement british de notre homme se révèle dans des titres tels que « Triumphs of a Taxidermist » (dans lequel le personnage central évoque sa collection en terminant par LA pièce unique, sa femme !) ou « Meet Mr Scratch » qui relate sa rencontre avec le diable. Dans « I dreamt I stood upon the scaffold », un homme croit rêver qu’il finit sur l’échafaud et c’est le clown de Dieu qui s’exprime dans « Masque », dans lequel Paul Roland laisse éclater tout son art des mélodies brillantes sur des arrangements riches et sobres à la fois. A contrario, « The sporting life » bénéficie d’une instrumentation plus soutenue, en phase avec le thème du morceau, alors que « I dreamt I stood upon the scaffold » est un bon compromis entre les deux, sous couleur celtique. Il y a une légèreté pop dans ce folk rock qui lui permet de gagner l’attention de bien des oreilles. Sa discrétion dans le paysage musical actuel sonne évidemment comme une injustice.

La réédition de cet album de Paul Roland nous donne la chance de (re)découvrir un artiste important et trop discret donc dans les médias mais à qui un Michael Nyman a demandé de collaborer, signe qui ne trompe pas. Son art de ciseler de belles mélodies envoûtantes, ses textes intelligents et drôles, la qualité de ses instrumentations, la personnalité de sa voix font de ce musicien un must pour ceux qui le connaissent tout autant que pour ceux qui ne le connaissent pas encore. Tout amateur de prog, de folk rock intelligent, d’ambiance british victorienne et de goût pour le macabre et le cynisme, qui apprécie Al Stewart ou Phideaux, Caravan ou Stackridge, devrait succomber sans tarder à cet artiste hors du commun et à ses chansons malicieuses, teintées d’humour noir, qui se déclinent sur de splendides mélodies emplies de finesse et qui vous lâcheront très difficilement.

Écouter cet Edgar Allen Poe de la pop, c’est l’adopter. Définitivement.

Musiciens :

  • Paul Roland – chant et guitares
  • Chris Randall – claviers, percussion
  • Peter Robey – violon
  • Derek Heffernan – guitares
  • John Tracey – basse
  • Simon Jeffrey – batterie
    avec :

  • Dave Corsby – flûte, sax, clarinette
  • Mike Smith – hautbois
  • John Gallagher – violoncelle

Liste des morceaux :

  1. Dr Syn Is Riding Again 2:44
  2. Pharaoh 4:46
  3. Candy Says 3:48
  4. Triumphs of a Taxidermist 3:31
  5. The Ratcatcher’s Daughter 4:59
  6. Meet Mr. Scratch 5:03
  7. Masque 5:09
  8. The Mind of William Gaines 2:51
  9. Cocoon 4:27
  10. I Dreamt I Stood Upon the Scaffold 5:05
  11. The Sea Captain 5:33
  12. Matty Groves 5:44
  13. Grantchester Fields 4:52
  14. The Sporting Life 3:19
  15. Alice’s House 3:06
  16. Solitude 3:53

Pays: GB
Syborgmusic SBM 17-3
Sortie: 2012/02/03 (réédition, original 1990)

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