CD/DVDChroniques

TANGERINE DREAM – Alpha Centauri

Notre évaluation
L'évaluation des lecteurs
[Total: 0 Moyenne: 0]

En 1970, Tangerine Dream est à la veille de profondes évolutions après son premier album « Electronic meditations ». Le groupe berlinois mené par Edgar Froese s’apprête à intensifier son voyage dans l’électronique et le rock cosmique avec un album qui va véritablement poser les bases du space-rock, « Alpha Centauri ». Plusieurs influences trottent dans la tête d’Edgar Froese : les scènes du film « 2001, l’odyssée de l’espace » et la musique du compositeur avant-gardiste hongrois György Ligeti, l’album de King Crimson « In the wake of Poseidon » qu’il se passe à une vitesse ralentie de 16 tours par minute, et la couverture sans nom de l’album « Atom heart mother » de Pink Floyd.

Froese va organiser tout cela en un disque que Tangerine Dream va enregistrer aux studios de Dieter Dierks, le producteur rock le plus en vue outre-Rhin à l’époque. Mais avant, il lui faut ses musiciens au complet. Il doit récupérer son claviériste Steve Schroyder, arrêté pour consommation de LSD et enfermé dans un asile psychiatrique. L’homme s’est échappé deux fois mais a toujours été rattrapé et Froese obtient finalement sa libération. Tangerine Dream s’enferme donc dans le petit studio de Dieter Dierks à Cologne et remplit le local de tonnes de matériel, dont un synthétiseur EMS VCS3, une machine révolutionnaire pour l’époque. Edgar Froese s’occupe des guitares, de la basse, de l’orgue et d’une machine à café dont les gargouillis sont enregistrés pour donner plus d’effets à la musique. Steve Schroyder a relié son orgue Farfisa à une machine d’écho Dynacord et Chris Franke joue des percussions ainsi que de la flûte et du sitar. Le trio accueille également Roland Paulyck aux synthétiseurs et Udo Dennebourg à la flûte et aux paroles. Ce dernier enregistre ses parties de flûte dans une pièce remplie de matelas, afin d’atténuer les effets d’échos et de réverbération.

C’est dans cette atmosphère de salon du bricolage que Tangerine Dream va créer « Alpha Centauri » entre janvier et mars 1971. L’album sort sur le label Ohr en mars et sa pochette ne contient aucune référence au nom du groupe, pari risqué en termes d’ambitions commerciales. Entretemps, l’illuminé Steve Schroyder a de nouveau entendu des voix dans sa tête et est parti sur les routes. On le retrouvera errant dans le sud de la France. Il sera remplacé peu de temps après par Hans-Peter Baumann, qui va compléter le line-up historique de Tangerine Dream pour les années qui suivent.

L’album ne contient que trois titres, dont deux avoisinent le quart d’heure ou dépassent les vingt minutes. Les propos du disque sont résolument cosmiques, avec « Fly and collision of Comas Sola », qui se réfère à une comète découverte par l’astronome catalan José Comas Sola et le long « Alpha Centauri » qui évoque l’étoile Alpha du Centaure, située à 4,37 années-lumière du soleil. « Alpha Centauri » reste d’une importance capitale dans l’histoire du space-rock et du rock allemand car il fonde les bases du genre. D’une douceur planante et d’une élévation stratosphérique, il emporte l’auditeur à des milliards de kilomètres des embouteillages, du recyclage des déchets, de la guerre civile et autres broutilles humaines insignifiantes. Jupiter, Sirius, Andromède entrent dans votre salon et effectuent leurs rotations à l’intérieur de votre cerveau. Vous êtes en orbite et vous ne redescendez plus.

Un tel album se devait de faire l’objet d’une réédition de choix. Le label Esoteric Recordings a parfaitement mené les choses à bien avec un CD qui ne fait pas que proposer « Alpha Centauri » et rajoute trois bonus plus qu’intéressants. Le premier est un extrait d’un concert donné par Tangerine Dream en Autriche le 29 juin 1971 et intitulé « Oszillator planet concert » (à nouveau huit minutes de voyage planant). Les deux autres sont les faces A et B du premier single de Tangerine Dream, « Ultima Thulé part 1 & 2 ». Ce 45 tours était resté inédit en album et son inclusion dans le CD d’Esoteric Recordings permet de découvrir une face A très rude, quasiment hard rock progressif, et une face B plus onirique, davantage dans la tradition de Tangerine Dream.

Tangerine inaugure ainsi son élévation dans les plus hautes sphères du rock électronique planant, suprématie qui sera consacrée sur son album suivant en 1972, « Zeit ».

Pays: DE
Esoteric Recordings / Reactive EREACD 1021
Sortie: 2011/09/26 (réédition, original 1971)

Laisser un commentaire

Music In Belgium