CD/DVDChroniques

HARSH REALITY – Heaven and hell

Notre évaluation
L'évaluation des lecteurs
[Total: 0 Moyenne: 0]

En 1969, on est à la croisée des chemins entre deux phénomènes importants de l’histoire du rock anglais : la fin de l’ère psychédélique inaugurée en 1967 par le « Sergeant Pepper’s lonely hearts’ club band » des Beatles et l’émergence du rock lourd préconisé par le premier album de Led Zeppelin. Il est donc temps de ranger fissa les chemises à fleurs et les coupes de cheveux au bol pour sortir les blousons de cuir et les chevelures d’hommes des cavernes. Certains groupes vont se retrouver coincés entre ces deux eaux, tentant de formuler un psychédélisme déjà daté sous des aspects heavy rock pas encore tout à fait au point. Harsh Reality est ceux-là.

Formé à Londres par Carl Barnwell (guitare), Mark Griffiths (guitare), Cliff Jenkins (guitare), Stephen Miller (claviers) et Roger Swallow (batterie), Harsh Reality s’est forgé avec le temps une réputation dans le monde des précurseurs du hard rock anglais. Mieux, si on se réfère à leur pochette gothique et sanguinolente, on peut imaginer les plus sombres sonorités métalliques et horrifiques prêtes à faire passer Black Sabbath pour une honnête chorale de boy-scouts phtisiques. Il n’en est rien. L’album « Heaven and hell » (empruntant involontairement le nom d’un futur grand album de Black Sabbath) n’est pas bien dangereux. La pochette révèle avant tout un goût douteux, montrant les musiciens du groupe torse nu et recouverts de sang, ressemblant plus à du ketchup Heinz qu’à un de ces bons vieux groupes A positif popularisés par les films horreur anglais de la Hammer. Le lettrage gothique et les masques de carnaval n’apportent rien dans l’horreur et cet album est plus une aventure dans le progressif balourd et bluesy cher à des combos inconnus comme Spirit Of John Morgan ou Rare Amber qu’à une expédition punitive diabolico-métallique conspirée par un combo hard rock méchant et intraitable.

Découvert et signé par Fritz Fryer (manager des Four Pennies et d’Open Mind, un des plus cultes groupes heavy psychédélique anglais des Sixties), Harsh Reality enregistre son album en juin 1969, coupant chronologiquement parlant l’herbe sous le pied à Black Sabbath ou à Deep Purple, qui se chargeront bien vite d’expédier cette tentative heavy rock social-démocrate dans les puits sans fond de l’oubli. Gros orgue, grosse voix, guitare lourde ne suffisent pas à faire de l’album de Harsh Reality autre chose qu’un exercice jurassique dans le domaine du hard rock, et donc destiné au coup d’épée dans l’eau. Quelques morceaux sauvent l’album : le dynamique et introductif « When I move » (assez bien dans la veine Deep Purple des débuts), les intéressants solos de guitare sur « Melancholy lady » ou « Girl of my dreams » et l’énorme hard prog boogie « Devil’s daughter ».

Après cet album sans lendemain paru à l’origine chez Philips, le guitariste Carl Barnwell ira jouer dans le groupe Matthews Southern Comfort, tandis que le batteur Roger Swallow ira opérer chez le Principal Edwards Magic Theatre ou l’Albion Country Band, des groupes qui, on le sait, ont failli détrôner les Beatles dans le firmament de la renommée universelle.

L’album original de Harsh Reality a quand même fini par se tailler une petite célébrité chez les collectionneurs de disques, devenant petit à petit rare et recherché. Une petite réédition CD pouilleuse avait bien émergé durant les années 2000 mais il faut maintenant compter sur la réédition du label Esoteric Recordings, qui fournit avec l’album « Heaven and hell » quatre bonus (qui sont les versions mono de titres de l’album parus en singles à l’époque), ainsi qu’un impressionnant livret encyclopédique sur l’histoire du groupe, presque aussi long que la somme théologique de Saint-Thomas-d’Aquin.

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2290
Sortie: 2011/09/26 (réédition, original 1969)

Laisser un commentaire

Music In Belgium