HOT TUNA – Yellow Fever
Laissons notre esprit retourner en arrière dans le temps et pensons au rock de 1975. Pas facile, l’année 1975, on est entre deux eaux. L’âge d’or du rock (1966-73) est passé et on n’est pas encore dans le renouveau du punk qui n’apparaîtra qu’à partir de 1976. Et durant cette période un peu floue, on en vient à se demander quels ont été les bons albums en 1975. C’est vrai, ça, quand on parle de 1967, 1970 ou 1972, il y a des tonnes de titres qui nous viennent à l’esprit. Mais 1975 ? Certes, un « Physical graffitti » de Led Zeppelin (qui aurait finalement gagné à n’être qu’un album simple et non un double), même pas un album des Stones, un Bowie en pleine transition, mais finalement rien qui saute véritablement aux yeux ou aux oreilles. C’est pour cela que je me permets de poser la question : et si « Yellow fever » de Hot Tuna n’était pas l’un des meilleurs albums de rock de 1975 ?
Ça peut se défendre, quand on voit le pedigree des musiciens qui ont fondé Hot Tuna. Ce groupe est à la base un petit side-project de membres des légendaires Jefferson Airplane qui doivent attendre le retour aux affaires de leur chanteuse Grace Slick après une opération de la gorge en 1969 et qui passent le temps en montant un groupe qui reprendra du blues et composera également ses propres morceaux blues rock. Blues rock, c’est le mot. Car Jorma Kaukonen (guitare et chant), Jack Casady (basse), Paul Kantner (guitare et chant) et Joey Covington (batterie) ne se sont pas simplement contentés de jouer du blues, ils ont laissé transpirer leur âme rock dans leur musique, héritage Jefferson Airplane oblige.
Quand Grace Slick est sortie de l’hôpital, Jefferson Airplane a recommencé à tourner mais Hot Tuna n’a pas disparu pour autant. Autour du noyau dur composé de Kaukonen et Casady, le groupe a évolué et s’est finalement stabilisé autour des deux susdits et de Bob Steeler (batterie), le groupe ayant connu le passage de Paul Kantner mais aussi de Marty Balin (également de l’Airplane) et de Peter Kaukonen (frère de Jorma et auteur d’un excellent album heavy psyché en 1972, « Black kangaroo »). Après un premier album live en 1970 (« Hot Tuna »), Hot Tuna affine son style avec les albums « First pull up, then pull down » (1971), « Burgers » (1972), « The phosphorescent rat » (1973) avant de s’orienter vers des sonorités plus blues-rock avec « America’s choice » (1975) et l’ici présent « Yellow fever », qui sort sur Grunt Records, le label créé par le Jefferson Airplane.
« Yellow Fever » pourrait être la parfaite définition de ce qu’est le blues rock, c’est-à-dire du blues et du rock. Côté blues, on trouve des reprises bien électrifiées de Jimmy Reed (« Baby what you want me to do? ») et de Bo Carter (« Hot jelly roll blues ») et côté rock, un festival de compositions originales de Hot Tuna qui versent allègrement dans l’électricité la plus débridée (« Free rein », « Song for the fire maiden », « Half time saturation ») ou du psychédélisme reconverti en heavy rock feutré (« Sunrise dance with the devil », « Bar room crystal ball », « Surphase tension »). « Yellow fever » est riche d’instants hard rock et de blues fiévreux enrobé dans un subtil mélange de psychédélisme réaliste et de sonorités foncièrement urbaines, toujours admirablement servi par la voix traînante et inimitable de Jorma Kaukonen.
Le label Esoteric Recordings a eu la bonne idée de rééditer cet excellent disque, ainsi que son successeur « Hoppkory » de 1976, ce qui va nous permettre de vous le présenter également dans une autre chronique.
Pays: US
Esoteric Recordings ECLEC 2291
Sortie: 2011/09/26 (réédition, original 1975/11)
