BROWN, Arthur & RICHARD WAHNFRIED – Time actor
Richard Wahnfried n’est pas un personnage réel. C’est le pseudonyme de Klaus Schulze travaillant avec Arthur Brown sur un projet musical unique en 1979. Imaginez la rencontre entre ces deux inclassables de la sphère rock. D’un côté, Klaus Schulze, le maestro de l’électronique, le Wagner du synthétiseur, l’Allemand cosmique devenu le symbole de la musique électronique progressive avant-gardiste, qui ferait passer Brian Eno pour un joueur de tuba dans une fanfare de supporters de foot. De l’autre, Arthur Brown, auteur du définitif « Fire » qui lança le genre heavy progressif en 1968 et depuis lors représentant de la musique folle, expérimentale, du chant délirant abordés durant la carrière de Brown, entre son Crazy World et Kingdom Come, des formations ayant laissé des traces dans l’underground anglais.
Nous sommes ici à la fin des années 70 et Arthur Brown reçoit un jour un coup de fil de Klaus Schulze qui lui propose de venir jouer un concert avec lui à Paris devant quelques milliers de personnes. Alléché par cette rencontre de la carpe et du lapin (Klaus Schulze n’a jamais travaillé avec un vocaliste), Arthur Brown répond présent et est enchanté de voir que Schulze considère ce concert parisien comme un des sommets de sa carrière. On est en 1976 et les deux compères reprennent leurs chemins respectifs, Klaus Schulze dans des studios futuristes pour ses albums « Body love » (1976), « Mirage » (1977), « Body love II » (1977) ou « X » (1978) et Arthur Brown dans le petit pays africain du Burundi où il expérimente des sonorités tribales pour enrichir son univers musical.
Il faut attendre 1979 pour que les deux hommes se retrouvent sur un projet commun. Ce sera l’album « Time actor » enregistré sous le nom d’Arthur Brown et Richard Wahnfried, alias Klaus Schulze, libre ici grâce à ce nom d’emprunt de réaliser des projets sortant de son univers habituel. La grande nouveauté, c’est l’association du chant et du rock électronique planant et hypnotique. Arthur Brown explique le concept de « Time actor » en disant que le temps est déjà un concept difficile à saisir et par conséquent improvisé, tout comme le jeu de l’acteur, qui est improvisation pure. C’est donc dans l’improvisation que les deux musiciens vont se diriger, aidés dans leur travail par d’autres collègues comme Vincent Crane (claviers, un vieux camarade d’Arthur Brown à l’époque du Crazy World dans les années 60), Harmony Brown (chant), Mike Shrieve (rythmes) et Wolfgang Tiepold (violoncelle).
Le résultat est, comme on peut s’y attendre, hautement volatile et insaisissable. Klaus Schulze pose des structures électroniques vaporeuses, à la rythmique fluette, aux ambiances douces, et Arthur Brown vient y greffer un chant aérien, ralenti et incantatoire. La plupart des titres sont assez longs, de huit à quinze minutes, ouvrant le champ à de longues improvisations froides et dansantes. On est à la fin des années 70 et ça se sent : l’ère est à la mélodie science-fictionnesque revêtue de plastique et l’atmosphère se veut plus dansante que grave. L’album « Time actor » est un disque complexe, qui nécessite un certain nombre d’écoutes pour délivrer pleinement tous ses secrets. C’est un album qui intéressera incontestablement les amateurs d’aventures musicales et de risques sonores. Il y a effectivement du risque dans ce disque, car à la fois Arthur Brown et Klaus Schulze dérivent résolument de leur style habituel, prêtant le flanc à la critique en provenance de leurs fans traditionnels. On y trouve en tout cas la marque du génie respectif de Klaus Schulze et Arthur Brown.
Pays: DE/GB
Esoteric recordings ECLEC 2282
Sortie: 2011/07/25 (réédition, original 1979)