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KILLING JOKE – For Beginners

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Composé de Jaz Coleman, voix et claviers, Martin Glover « Youth » (The Rage), basse, Paul Raven, basse, K. Walker « Geordie », guitare, et Paul Ferguson, batterie, Killing Joke est issu du Matt Stagger Band, où jouait Ferguson. Jaz Coleman l’y a rejoint mais rapidement, ils ont quitté ce groupe pour former Killing Joke fin 1978. La musique heavy d’abord puis très arty est assez proche de ce que faisait Joy Division et on peut la situer comme une transition entre post punk et new wave.

Cette compilation est pour les plus jeunes l’occasion de découvrir un groupe très sous-estimé, au même titre que les années 80 d’ailleurs. La période couverte va de 1980 à 1988. Ce qui est remarquable dans ce groupe, c’est la parfaite osmose entre la musique, qui défie les modes, et les paroles assez pessimistes, voire provocantes et agressives, souvent affublées d’un humour noir déroutant.

« The Wait », extrait de l’album « Killing Joke » (1981), est très branché rythme, avec un jeu de batterie psychotique très peu conventionnel qui participe à la personnalité du groupe. On pourrait comparer cela au jeu de guitare « mitraillette » de Zal Cleminson (The Sensational Alex Harvey Band) mais la batterie est parfois jouée à contretemps. La fin tronquée est une autre particularité du groupe.

Parlant de l’instinct qui prend le pas sur la raison, « Primitive », également extrait de l’album « Killing Joke » (1981), exulte sur des riffs répétitifs de guitare que souligne une excellente section rythmique en les rendant hypnotiques. La voix rauque de Coleman émerge de temps en temps de cette mélasse sonore savamment entretenue. La fin abrupte ajoute encore un peu de piment au mystère.

Croisement subtil entre plusieurs styles, « Butcher », de l’album « What’s This For …! » (1981), qui dure plus de six minutes, rappelle autant les rythmes saccadés et hypnotiques du Sensational Alex Harvey Band que le phrasé de Joy Division, le tout sur une musique musclée sans être simpliste, avec toujours ce rythme à nul autre pareil de la batterie. On n’est pas très loin non plus de la démarche avant-gardiste de Sonic Youth. Extraordinaire.

« Fall Of Because », sorti en face B du single « Let’s All Go (To The Firedances) » (1983), dont la version studio figure sur l’album « What’s This For …! » (1981), a été enregistré live et cela ajoute à la dramatisation. Le jeu de batterie et la voix, ou plutôt les cris, de Jaz Coleman sont soulignés par des riffs semblables de bout en bout. Cela tient à la fois des rythmes tribaux incantatoires des Africains et des errances du punk rock telles qu’elles étaient pratiquées par Richard Hell & The Voidoids ou les Vibrators.

Par contraste, « Chapter III », tiré de l’album « Revelations » (1982) est nettement plus subtil et joue sur plusieurs tableaux : les riffs sauvages de la guitare, d’où émerge la voix un peu rauque du chanteur, le phrasé particulier de Coleman et les sons de cloche entrecoupés par le tambourinement irrégulier sur les fûts. Puis cette fin inattendue … L’imagerie maçonnique y est présente, de même que sur « We Have Joy ».

Ferguson martèle le rythme sur « We Have Joy », un mix inédit de 2004, de l’album « Revelations » (1982), soutenu par la voix de Coleman et un jeu de guitare très peu conventionnel. Un titre exceptionnel qui vous prend aux tripes !

Débutant par le son d’un carillon, « Fun & Games », tiré de l’album « Fire Dances » (1983), est déroutant à plus d’un titre. Les harmonies vocales d’abord, le chant ensuite, plus susurré que réellement chanté, le jeu nerveux de la guitare et la batterie survoltée de Ferguson enfin. On notera également la présence du bassiste Paul Raven à la place de « Youth ». Un hymne à la musique très particulier à découvrir absolument.

Jubilatoire et plein d’humour, « Harlequin », un single inédit de 2004, figurant à l’origine sur l’album studio « Fire Dances » (1983), se décline sur un rythme très original et une musique très pleine, sans temps mort, animée par une guitare utilisée de manière très créative. La répétitivité du thème joué le rend hypnotique et s’en dégager devient très difficile. Même remarque que sur le titre précédent au sujet du bassiste. Fin abrupte tranchée dans le vif comme à l’accoutumée.

Presque totalement instrumental au début, dissertant sur le thème de la liberté sexuelle, « Wilful Days », tiré de la compilation « Wilful Days » (1992), est la face B du single « Me Or You » (1983). C’est un autre must. La voix est entourée d’un roulement de guitare et de batterie régulier et répétitif d’où émergent parfois la voix et surtout les cris de Jaz Coleman.

Orgasme feint ou coups de scie ? Si un léger doute était permis au départ, il ne l’est plus à la lecture des paroles explicites de « Tabazan », extrait de l’album « Night Time » (1985), sur la libération sexuelle. « L’inhibition génère la terreur », dit-il. Et tout cela sur un mid tempo vitaminé et répétitif (c’est bien normal étant donné le sujet). Ah si Ian Curtis avait éprouvé de telles pulsions, il ne serait sans doute pas mort …

Sur la lancée, « Night Time », de l’album « Night Time » (1985), aborde le thème de la vie nocturne, son bruit et sa fureur. La nuit cache les crimes, la journée fait tomber les masques. Cela est dit sur une musique primale parfaitement rythmée où le chant est une sorte de mise en garde prémonitoire lancée à la face du monde.

Très différent, « Victory », single mix inédit de 2004, à l’origine sur l’album « Brighter Than A Thousand Suns » (1986), débute par cette réflexion : « Où est le rêve, où est la réalité ? » et traite de la dignité humaine sur un rythme apaisé et moins agressif que sur le reste de l’album. Cela s’adresse aux ressortissants de l’Empire britannique et à leur fierté nationale.

Plus musclé, « Twilight Of The Mortal », de l’album « Brighter Than A Thousand Suns » (1986), renoue avec le climat général si particulier véhiculé par le groupe dont le propos est teinté de pessimisme. On y évoque le temps de vie très court qui nous est attribué. Il y manque simplement une conclusion, à moins qu’elle ne s’impose d’elle-même ?

Assez inattendu à cause de ce qui précède, « My Love Of This Land », tiré de l’album « Outside The Gate » (1988), est un morceau contrasté tantôt très doux, tantôt plus musclé, sur l’Angleterre en devenir. Les traditions sont-elles toujours respectées ? Est-ce un bien, est-ce un mal ? Les HLM qui poussent comme des champignons sont-ils souhaitables ou vont-ils à l’encontre des paysages traditionnels de ce pays que l’on aime ? C’est en fait extrait d’un album solo de Jaz Coleman, de même que « Obsession ».

Sur un rythme endiablé, « Obsession », du même album « Outside The Gate » (1988), est une réflexion sur l’internationalisation de la société et l’attrait des grandes métropoles qui se ressemblent toutes.

Très rentre dedans, « Rubicon », mix inédit de 2004 par Chris Kimsey, à l’origine sur l’album « Brighter Than A Thousand Suns » (1986), traite de l’évolution du monde qui a atteint un point de non retour. « La science viendra à bout de la rage et de la haine raciale ou religieuse. » Puissent-ils être entendus par ceux qui nous gouvernent !

Cette excellente compilation est une occasion rêvée de (re)découvrir un groupe essentiel des eighties. Elle permet aussi de se faire une idée assez précise de l’évolution du groupe sur huit ans. Les années n’ont pas altéré cette musique qui n’a pas d’âge. Si nous n’avions pas comme principe sur ce site de privilégier les nouveautés, cela vaudrait 9/10.

A signaler également un show projeté au Sheperd’s Bush Empire de Londres le 25 février 2005 pour le 25e anniversaire du groupe.

Pays: GB
Virgin 7243 864260 2 4
Sortie: 2004/08/02

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