BOX OF FROGS – Strange land
Box Of Frogs, ce sont les fameux Yardbirds déguisés en groupe des années 80, après de nombreuses années de silence. En effet, les Yardbirds, groupe rock anglais des Sixties qui aurait pu rivaliser avec les Rolling Stones, ont connu une existence brève (1963-1968) mais riche en péripéties. C’est le groupe qui est capable de lancer la carrière de trois des plus grands guitaristes du monde (Eric Clapton, Jeff Beck et Jimmy Page) en n’ayant pas été capable de récolter lui-même un succès planétaire et durable. Un groupe maudit, en quelque sorte, mais qui est devenu aujourd’hui une référence vénérée pour tous ceux qui apprécient ou découvrent le rock des années 60.
Durant les années 80, les membres les moins célèbres des Yardbirds (Chris Dreja, Paul Samwell-Smith et Jim McCarty) se retrouvent pour un projet appelé Box Of Frogs. Dès le départ, le groupe choisit tous les éléments propices à un échec de son entreprise : un chanteur inconnu (John Fiddler, ex-Medicine Head, ex-British Lions), un nom idiot qui ne rappelle rien à personne alors que les Yardbirds auraient immanquablement attiré l’attention des foules, et un refus de faire des tournées alors que son premier album s’était élevé à une position confortable dans les charts américains. L’album « Box Of Frogs » de 1984 était donc passé inaperçu sur le marché anglais, malgré la présence de musiciens prestigieux invités pour l’occasion, comme Rory Gallagher, Jeff Beck ou Mark Feltham.
Avec le deuxième album de 1986, « Strange land », on conserve un peu les mêmes éléments et la même politique. Box Of Frogs tente de passer à une vitesse supérieure (ce qu’il réussit, partiellement mais concrètement) en invitant d’autres musiciens célèbres et en diversifiant le style de ses chansons. Ainsi, plusieurs chanteurs se succèdent : Graham Parker (sur « Get it while you can »), Ian Dury (sur « Average »), l’ex-Family Roger Chapman (sur une reprise intéressante de « Heart full of soul », une des plus importantes chansons des Yardbirds, ainsi que sur « Strange land »). Les guitaristes ne sont pas non plus des miteux : Rory Gallagher (en lead sur trois titres), Jimmy Page (sur « Asylum ») ou Steve Hackett (sur « Trouble »). Ajoutons à cela la présence aux synthétiseurs de Max Middleton ou Peter-John Vettese et on obtient une bande de musiciens irréprochables aux CV prestigieux. Le chanteur John Fiddler est présent lui aussi mais ne participe qu’à une petite moitié des morceaux, sans doute moins motivé qu’au départ par l’impossibilité de faire ses preuves sur scène.
Mais malgré tous ces musiciens d’élite sélectionnés sur le volet, l’album « Strange land » ne cartonne pas plus que ça. Une 177e place dans les charts américains dénote des performances commerciales moins remarquables que pour le premier album (45e), ce qui ne tarde pas à provoquer rapidement l’arrêt des activités de Box Of Frogs. L’erreur stratégique du groupe restera toujours un refus de jouer sur scène, ce qui aurait pu améliorer le sort de Box Of Frogs en matière de succès commercial. D’autant que le second album marque une certaine amélioration par rapport au premier en matière de diversité musicale. Avec moins de titres bluesy, un peu plus de rock FM et quelques réussites (le morceau « Asylum » est le meilleur de l’ensemble, avec une excellente guitare signée Jimmy Page), le deuxième album de Box Of Frogs développe un petit potentiel sympathique. Là où le bât blesse, c’est qu’avec le temps, 25 ans plus tard, le style musical de cet album est complètement coincé dans les années 80 et sonne anachronique aujourd’hui. Ceux qui ont vécu leur adolescence à cette époque-là pourront encore s’y retrouver, mais les plus jeunes verront sans doute dans cet album autant de puissance évocatrice que dans les œuvres de Tino Rossi. C’est dommage, car on parle quand même ici de la nébuleuse Yardbirds, alors un minimum de respect, que diable !
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2254
Sortie: 2011/02/28 (réédition, original 1986)