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MOERLEN’S GONG, Pierre – Downwind

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Né en 1952 à Colmar en Alsace de parents instrumentistes et professeurs de musique, Pierre Moerlen est immédiatement imprégné de musique. Il débute l’étude d’un instrument par le piano avant de passer aux percussions à l’adolescence. Fin 1972, il se retrouve à Paris à la recherche d’un emploi dans un orchestre classique. C’est par hasard, sur un quai de gare, qu’il apprend que Gong cherche un nouveau batteur. Dès janvier 1973, il intègre la formation de Daevid Allen déjà sujette à de nombreuses turbulences, plus positives que négatives à l’époque. Son arrivée conjuguée à celles de Steve Hillage et Tim Blake améliore nettement la qualité artistique de l’ensemble. Une des meilleures configurations du groupe est née, confirmée par deux albums remarquables, « Angel’s Egg » (1973) et « You » (1974), et un contrat avec le label Virgin de Richard Branson. Pourtant, l’orientation de plus en plus Space-Rock et instrumentale imposée par les nouveaux arrivants provoque une certaine marginalisation de Daevid Allen qui finit par quitter le navire avec son épouse, Gilli Smyth.

Suite à l’insistance de Virgin, les rescapés choisissent de poursuivre l’aventure sous la direction de Pierre Moerlen et Didier Malherbe. Produit par Nick Mason (Pink Floyd), « Shamal » (1975) se révèle une réussite où cohabitent Rock, Space-Rock, Jazz-Rock et World Music. Pourtant, ses orientations divergentes confirment la fragilité de l’ensemble. Steve Hillage et Mike Howlett sont les premiers à partir. Poussé par les bonnes ventes de son premier album, « Fish Rising » (1975), enregistré avec les musiciens de Gong, le guitariste se sent capable d’assumer une carrière en solo. Avec son départ, le Space-Rock quitte le monde de Gong. Quant au bassiste, il constituera en 1977 Strontium 90 avec les trois futurs Police, Sting, Stewart Copeland et Andy Summers.

Le Jazz-Rock triomphe alors avec l’excellent « Gazeuse » (1976), grâce particulièrement au flamboyant Allan Holdsworth, de retour du New Tony Williams Lifetime, et du bassiste Francis Moze. Cette formation se désagrège rapidement suite aux relations conflictuelles entre le batteur et le bassiste. Elle acte aussi le départ de Didier Malherbe, dernier membre original. En conséquence, Pierre Moerlen prend seul la barre. Avec « Expresso II » (1978), un Jazz-Rock plus percussif que jamais apparaît, avec quatre représentants de cette classe d’instruments, les frères Moerlen, Mireille Bauer et François Causse. Le Gong-Expresso, comme il se qualifiera lui-même, est né. Le bassiste américain Hansford Rowe entame alors une longue collaboration avec Pierre Moerlen, et le guitariste Bon Lozaga. Avec Benoît Moerlen, ce trio constituera plus tard Gongzilla. Il faut aussi noter la participation d’Allan Holdsworth, Mick Taylor (John Mayall, Rolling Stones, Jack Bruce Band) et Darryl Way (Curved Air).

Lâché par Virgin, Pierre Moerlen signe avec le label américain Arista et en profite pour marquer la différence. Il utilisera dorénavant la dénomination de Pierre Moerlen’s Gong. « Downwind » paraît en 1979. Il représente une nouvelle évolution vers un style plus personnel encore, plus riche et fluide que jamais, un peu moins marqué par le Jazz-Rock. Les percussions diverses conservent toujours un rôle important, mais laissent aussi un bel espace aux autres instruments, guitares et violon surtout. Parmi ces percussions, vibraphone, marimba et xylophone apportent un son et une dimension spécifique, rarissime depuis toujours dans le Rock, le Jazz-Rock ou même le Progressif. Rien que pour cet aspect, le Pierre Moerlen’s Gong mérite qu’on s’y attarde. L’Alsacien reprend aussi la main au niveau des compositions : six sur sept sont de sa main, contre une sur six dans « Expresso II ». Aidé d’un parolier, il se lance aussi au chant sur deux titres. Là, le résultat s’avère discutable. Il cherche aussi à recruter un guitariste fixe. Excellent en studio, synthétisant les styles de Mick Taylor et Allan Holdsworth, Ross Record semble le bon choix. Pourtant, sur scène, il est victime d’un trac maladif qu’il ne parvient pas à surmonter et devra rapidement s’éclipser. Bon Lozaga constituera l’alternative idéale.

Parmi tous ces titres, « Downwind » est à placer au sommet. Il combine avec art les univers de Pierre Moerlen et Mike Oldfield. Le premier amène sa fantastique composition et ses différentes percussions, tandis que le second y arrime son style, ses atmosphères et sa guitare, tous toujours si aisément identifiables. Il faut dire que les deux hommes se connaissent de Virgin. Depuis « Tubular Bells », le percussionniste est invité sur la plupart des albums du guitariste multi-instrumentiste Anglais et part régulièrement en tournée avec lui. Le résultat de cette complicité transparaît dès les premières notes. Pour l’occasion, l’ex-Gong Didier Malherbe signe une prestation remarquable au saxophone. Steve Winwood (Spencer Davis Group, Traffic, Blind Faith) et Terry Oldfield y ajoutent leurs petites touches spécifiques.

Sur son premier album en 1969, Santana avait signé une reprise mémorable du célèbre « Jin-Go-Lo-Ba ». Celle-ci, tout aussi percussive mais dans un registre tout à fait différent, mérite les mêmes palmes. La rythmique d’enfer et le solo de guitare de Ross Record foutent le frisson.

Autre perle, « Emotions » est réalisé en duo avec Didier Lockwood, ex-Magma, à l’aube d’une brillante carrière solo. La combinaison des violon, vibraphone et synthétiseur est sublime. « Xtasea » est du même tonneau, mais avec plus d’instruments. Le solo final de Ross Record fait regretter le retrait quasiment définitif de cet instrumentiste d’une émotivité excessive.

Globalement, « Aeroplane » et « What You Know » ne laissent pas une marque indélébile. Peu convaincant, le chant perturbe plus la mécanique instrumentale qu’il ne lui apporte. Dans ses courtes interventions vocales, Ross Record montre même un potentiel supérieur à son leader. Quant à Mick Taylor, au contraire de « Heavy Tune » (« Expresso II »), il ne retrouve pas les conditions idéales à l’expression de son talent.

Au final, le Pierre Moerlen’s Gong sera longtemps rejeté et mésestimé par une bonne frange du public de Gong, souvent Français d’ailleurs. Cette réédition remet l’église au milieu du village.

Les titres (40’09) :

  1. Aeroplane (P. Moerlen/O’Lochlainn)(2’44)
  2. Crosscurrents (P. Moerlen)(6’14)
  3. Downwind (P. Moerlen)(12’33)
  4. Jin-Go-Lo-Ba (Olatunji)(3’27)
  5. What You Know (P. Moerlen/O’Lochlainn)(3’43)
  6. Emotions (P. Moerlen)(4’47)
  7. Xtasea (P. Moerlen)(6’41)

Les interprètes :

  • Pierre Moerlen : Batterie, Percussions, Vibraphone, Xylo-Marimba, Pianos électriques, Orgue, Synthétiseurs & Chant
  • Hansford Rowe : Basses & Chœurs (1,2,3,4,5,7)
  • Benoît Moerlen : Vibraphone (1,2,4,5,7)
  • Ross Record : Guitares & Chant (1,2,4,5,7)
  • François Causse : Xylo-Marimba, Congas (2,4,5)
  • Didier Lockwood : Violon (2,6,7)
  • Mike Oldfield : Guitare, Basse & Percussion (3)
  • Mick Taylor : Guitare Lead (5)
  • Steve Winwood : Mini-Moog & Synthétiseurs (3)
  • Didier Malherbe : Saxophones (3)
  • Terry Oldfield : Flûte (3)

Pays: FR
Esoteric Recordings ECLEC 2235
Sortie: 2010/11/29 (réédition, original 1979)

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