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MURPHY BLEND – First loss

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Le monde musical est parsemé d’artistes et de groupes ayant réalisé un album, qui valait parfois le détour, avant de disparaître dans l’anonymat pour causes diverses. Murphy Blend est un de ces groupes, de la période early seventies. Et pourtant leur unique album, au titre prémonitoire « First loss », est considéré comme un classique des albums heavy rock de l’école allemande de cette période. Il fut enregistré en octobre et décembre 1970, réalisé en 1971 sur le fameux label indépendant Kuckuck, filiale de Polydor dédiée au rock allemand (alors appelé Krautrock) et dont la philosophie était de laisser une totale liberté aux artistes. « First loss » vient donc d’être réédité par le label Cherry Red Records. Le groupe splitta en mai 1971, après une très brève existence.

Tirant son nom d’une courte nouvelle de Samuel Beckett intitulée « Murphy », le groupe intitule son album « First Loss », qui fait référence à une composition romantique pour piano écrite par Robert Shuman, « Eerster Verlust », et dont on trouve le thème principal dans le morceau du même nom sur le présent album. Clairement influencés par les groupes heavy rock anglais de l’époque, Deep Purple, Uriah Heep, Atomic Rooster, Vanilla Fudge et même Nice, le claviériste Wolf-Rudiger Uhlig, qui a étudié la musique classique durant plusieurs années, et ses 3 compères proposent un prog rock heavy, emmené par l’orgue Hammond de Uhlig avec une intensité néo-classique et quelque part stoner aussi. Le jeu de Uhlig rappelle par moments celui de Tony Kaye, premier claviériste de Yes.

Les morceaux sont mélodiques, assemblés sur des riffs heavy d’orgue et de guitare, dans l’acceptation du terme tel qu’il était compris dans les années 70. Le style était clairement un mélange de tons progressifs et psychédéliques, ça fleure bon les ambiances hardo flower pop revisitées à la sauce Woodstock et Wight. Le chant est typique de cette époque, l’accent allemand y est perceptible, mais les voix sont maîtrisées et sont en parfaite adéquation avec les instruments. La guitare occupe une place importante dans la musique de Murphy Blend, mais c’est tout de même l’orgue de Uhlig qui tient le leadership incontestable dans les compositions. Les parties de basse et batterie sont à la hauteur et offrent une rythmique variée et riche, avec de belles lignes de basse ciselées mais soutenues.

« At first » porte bien son titre et ouvre cet unique album de Murphy Blend comme une carte de visite (donc durée pas trop longue, 4 minutes et demie) ou une vitrine de tout ce qui suivra dans l’œuvre : orgue (omni)présent, reprise d’un thème classique aux claviers, solo de guitare mélodique, basse ronde et vrombissante à la Black Sabbath, batterie au jeu varié et remuant. Il y a une réelle dynamique dans chacun des titres ici présents et pas une seule trace de mollesse ni de ballade ou de break doucereux. Uhlig incorpore ici et là des thèmes et pièces classiques, notamment dans le titre éponyme « First loss », mais aussi dans « At first » ou « Funny guys », dans lequel on retrouve la « Toccata et fugue en D mineur » de Sebastien Bach. L’intro de « Past has gone » génère ce parfum quasi unique qui rappelle son enfance ou son adolescence ou celle de ses parents ou même grands-parents, et qui fait mentir à ce morceau son titre.

La qualité est au rendez-vous partout dans cet unique disque de ce groupe éphémère, qui promettait pourtant beaucoup à l’écoute de ces 7 morceaux dont « First loss » en est le paradigme, avec ses parties de claviers absolument irrésistibles, ses changements de rythme réussis, son symphonisme particulier. Murphy Blend se plaçait à part dans le monde Krautrock, moins progressif en général. Une particularité : « Happiness » est le morceau le plus court que je connaisse, avec une durée totale de 3 secondes… clin d’œil humoristique s’il en est.

Réédition heureuse que celle de cet album culte du Krautrock, mais aussi du rock progressif en général, dans lequel les claviers tiennent une place prédominante et plus ou moins innovative, ne serait-ce que par l’apport de pièces de musique classique, Murphy Blend partageant alors cette tendance vocative avec des groupes tels qu’Ekseption, Emerson, Lake & Palmer ou encore Beggars Opera. La remastérisation est efficiente, mais le son a gardé ce parfum early seventies unique et irremplaçable. Les amateurs de prog traditionnel ne pourront qu’apprécier avec régal cet album, et avec un petit sourire au coin des lèvres, du genre de ceux qui accompagnent des retrouvailles jouissivement nostalgiques. Murphy Blend, une comète qui n’a fait que passer, mais qui revient 40 ans plus tard. Et celle de Halley ne revient qu’en 2062, alors profitez-en.

Musiciens :

  • Wolf-Rodiger Uhlig – orgue, piano, chant
  • Wolfgang Rumler – guitare, chant
  • Andreas Scholz – basse
  • Achim Schmidt – batterie, percussion, chant

Liste des morceaux :

  1. At First 4:39
  2. Speed is Coming Back 6:03
  3. Past Has Gone 7:37
  4. Prädudium/Use Your Feet 5:39
  5. First Loss 7:53
  6. Funny Guys 3:51
  7. Happiness 0:06

Pays: DE
Cherry Red Records – Reactive EREACD 1013
Sortie: 2011/01/31 (réédition, original 1971)

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