HUSBAND, Gary – Dirty and Beautiful – Volume 1
Né à Leeds en 1960, Gary Husband a d’abord étudié le piano classique avant de passer à la batterie quelques années plus tard. À dix-sept ans déjà, il est membre du Syd Lawrence Orchestra. En 1978, il rencontre au célèbre Ronny Scott’s Club Allan Holdsworth et Jack Bruce, qui travaillent à l’époque sur un projet commun, en trio avec le batteur Jon Hiseman (Colosseum, Tempest). Il le remplace, mais le projet n’aboutit qu’à une seule prestation en concert. Il n’empêche, ces deux-là l’engageront souvent par la suite.
Dès les années quatre-vingt, Allan Holdsworth utilise ses services avec régularité tant en scène qu’en studio. Crédité sur une bonne dizaine de ses albums, dont les plus remarquables parus dans les années 1980 (« I.O.U. » en 1982, « Metal Fatigue » en 1985, « Atavachron » en 1986, « Sand » en 1987 et « Secrets » en 1989), il l’a aussi côtoyé à l’occasion sur d’autres projets (Level 42, Gongzilla, …). Avec Jack Bruce, il a surtout travaillé à partir des années nonante (avec Blues Saraceno, Gary Moore, Clem Clempson, Robin Trower, …). Ainsi, entre autres, on le retrouve en 1993 lors des fameux concerts organisés pour les cinquante ans de l’Écossais, immortalisés en DVD et sur le double CD « Cities of the Heart ». Il est aussi associé aux retrouvailles entre Jack Bruce et Robin Trower qui débouchent sur l’excellent « Seven Moons » (2007). Elles sont suivies d’une tournée fixée sur CD et DVD, « Seven Moons Live ».
À part cela, il montre son éclectisme au travers de nombreuses collaborations. C’est ainsi qu’en 1988, il prend le relais du batteur Phil Gould dans Level 42. Il les accompagnera plusieurs années durant (« Staring at the Sun » en 1988, « Live at Wembley » en 1989, « Guaranteed » en 1991), même après leur semi-retraite (« Retroglide » en 2006). Il travaille aussi avec Gongzilla (« Thrive » en 1996), Gary Moore, Billy Cobham, John McLaughlin (« Industrial Zen » en 2006, « To the One » en 2010), … et beaucoup d’autres. Son planning reste chargé.
Quelques projets personnels parfois suivis d’enregistrements en solo émaillent également sa carrière : de 1998 à 2001, le New Gary Husband Trio, au piano, de 2004 à 2005, le Gary Husband’s Force Majeure (un sextet avec Jerry Goodman, Randy Brecker, Jim Beard, …), de 2009 à 2010, le quatuor Gary Husband’s Drive.
Pour « Dirty and Beautiful – Volume 1 », il a fait appel à nombre de ses amis. La plupart l’ont souvent côtoyé, abondamment parfois. Rien qu’à la lecture des noms cités ci-dessous, les amateurs de Fusion Jazz-Rock se lécheront les babines. Après écoute, ils seront comblés, car le résultat tient les promesses. L’unité et la cohésion de l’ensemble sont toujours préservées, en dépit de la forte personnalité des invités et de leur gabarit. Le seul à s’éloigner des marges est Robin Trower. En fait, si l’on veut vraiment critiquer, les seuls regrets proviennent de l’absence de certains (dont Jack Bruce, indisponible) ou de la présence trop brève d’autres (Jan Hammer, Robin Trower).
Gary Husband appartient clairement au monde du Jazz-Rock. À la batterie et à l’inverse d’autres spécialistes des baguettes, comme Billy Cobham, Narada Michael Walden, Alphonse Mouzon ou Dave Weckl, la part du Rock dans son style de jeu domine certainement celle du Jazz. Par contre, aux claviers, celle du Rock apparaît ténue par rapport à celle du Jazz et de la Musique Classique. En outre, batteur plutôt puissant et nerveux, il semble préférer comme claviériste les atmosphères légères, délicates, flottantes.
Chaque artiste amène ici son univers propre. Durant une bonne vingtaine d’années, Allan Holdsworth s’était progressivement délesté du côté fluide, aéré et aérien de sa musique, innovante dans le Jazz-Rock des années quatre-vingt. Il s’était alors dirigé vers un Jazz de moins en moins teinté de Rock, certes intéressant, mais souvent plus froid, rigide et clinique. Il retrouve ici fraîcheur et couleurs, sans pour autant s’accrocher au passé. Globalement, il reste sage, mesuré, rarement en pointe, laissant même à d’autres le soin de se mettre en avant ou de remplir l’espace. Les deux ex-Mahavishnu Orchestra, présents sur deux titres différents, ne s’en privent pas. Seul véritable obstacle à la reformation du premier Mahavishnu Orchestra et père de la rébellion au sein de la première mouture du groupe (il semble toujours garder une rancune profonde à l’encontre de John McLaughlin), Jan Hammer retrouve le ton et la verve des années septante, lorsqu’il travaillait avec… Jeff Beck. Issue de l’album « Black Sheet » (1979), sa composition « Between the Sheets of Music », qu’il n’interprète pas ici, permet à l’éblouissant Jerry Goodman de prouver que lui, l’esprit du Mahavishnu Orchestra ne l’a pas quitté.
À soixante-neuf ans, John McLaughlin étonne toujours. Chez la plupart, l’âge amène naturellement un certain ralentissement, parfois même du relâchement. Cette constatation ne s’applique pas à ce virtuose infatigable de la six cordes, une fois encore éblouissant de bout en bout. Sa précision de jeu, sa justesse et sa vitesse d’exécution ne cessent d’impressionner. L’homme paraît toujours stimuler par la présence des meilleurs à ses côtés, qu’ils soient vétérans expérimentés, comme ici, ou jeunes talents prometteurs. Sur ce titre bien situé dans la ligne de son dernier album, il faut aussi souligner l’amplitude et l’atmosphère créées par les claviers.
La participation de Steve Hackett constitue une bonne surprise. Si l’ex-Genesis s’était depuis belle lurette ouvert à d’autres horizons, il n’avait jamais pénétré à ce point l’univers du Jazz-Rock. Son toucher si particulier ne convient pas mal au genre.
Ami d’enfance de Gary Husband, peu connu, Steve Topping mériterait plus d’intérêt. Sa composition tient parfaitement la route et son style le situe quelque part entre Allan Holdsworth et David Fiuczynski.
Quant à Robin Trower, il sort complètement du lot et apparaît comme une bourrasque. En moins d’une minute, avec ces deux compères, il fait renaître Jimi Hendrix et son fantastique Band of Gypsy. Démesure et distorsions règnent en maître.
Le duo Mark King (Level 42) et Gary Husband offre une performance remarquable. Le bassiste n’a jamais perdu ce style Jazz-Rock Funky si percutant et reconnaissable. Son camarade est fantastique tant à la batterie qu’aux claviers. Ils devraient s’associer un jour dans un projet totalement instrumental.
On ne peut terminer sans mentionner le rôle de Jimmy Johnson, un des meilleurs bassistes de notre époque. Né en 1956, il est fréquemment associé à Gary Husband et Allan Holdsworth depuis les années septante. Il semble qu’il ait pas mal œuvré à la réussite de ce projet.
En conclusion, rares seront les amateurs de Fusion Jazz-Rock qui n’apprécieront pas ce CD. Vivement le volume 2 ! Il devrait paraître bientôt.
Les titres (51’09) :
- Leave ’em On (Allan Holdsworth)(4’32)
- Bedford Falls (Gary Husband)(3’21)
- Between the Sheets of Music (Jan Hammer/Anthony Smith)(3’33)
- Yesternow – Preview (Miles Davis)(0’57)
- Afterglow (Gary Husband)(2’16)
- Dreams in Blue (Gary Husband)(10’12)
- Ternberg Jam (Gary Husband)(3’02)
- Moon Song (Gary Husband)(4’33)
- Swell (Gary Husband)(0’45)
- The Maverick (Steve Topping)(4’53)
- Boulevard Baloneyo (Gary Husband)(7’42)
- Alverstone Jam (Mark King/Gary Husband)(5’23)
Les interprètes :
- Gary Husband : Batterie & Claviers
- Allan Holdsworth : Guitare (1, 3, 11)
- John McLaughlin : Guitare (6)
- Robin Trower : Guitare (4)
- Steve Hackett : Guitare (8)
- Steve Topping : Guitare (10)
- Jan Hammer : Claviers (1)
- Jerry Goodman : Violon (3)
- Jimmy Johnson : Basse (1, 3, 6, 7, 11)
- Laurence Cottle : Basse (2, 8)
- Livingstone Brown : Basse (4)
- Steve Price : Basse (10)
- Mark King : Basse (12)
Pays: GB
Abstract Logix ABLX 027
Sortie: 2011/01/28